Bonjour,Je m'appelle Philippe et j'ai 46 ans.
Je suis marié et j'ai trois enfants, des garçons.
Je fume depuis mes 13 ans (plus ou moins).
J'ai grandis dans un milieu de fumeurs. Toute ma famille fumait, à l'époque c'était normal.
C'était même un signe de virilité et de maturité. T'es un homme mon fils !
Très vite j'ai su que fumer était dangereux pour la santé. Malgré l'apparente banalité,on parlait déjà en 1969 des dangers du tabagisme. Comme j'étais (et suis toujours) un grand hypocondriaque, j'ai toujours été un fumeur "à la mauvaise conscience".
J'ai arrêté et recommencé un nombre incalculable de fois.
En fait, comme disait un écrivain célèbre (je pense que c'était Oscar Wilde), arrêter de fumer c'est facile, je fait cela tous les soirs.
La quantité de tabac consommé et le type de consommation ont grandement variés dans le temps. J'ai fumé des cigarettes toutes faites, avec et sans filtre, des cigarettes roulées, des cigarillos, la pipe et j'ai même essayé le tabac à priser.
Bien sûr à treize ans je ne fumais pas beaucoup. Plus tard, à l'age des sorties et des guindailles j'ai fumé beaucoup plus. Mais rarement plus d'un paquet par jour.
A l'âge adulte, la quantité a varié, selon les activités professionnelles, les aléas de l'existence, les bonnes et les mauvaises périodes, la naissance d'une famille, des enfants.
J'avais des périodes sans, quelques jours, une semaine ...
En 1987 j'ai arrêté 7 ou 8 mois.
Depuis, j'ai encore réussi des sevrages allant de deux semaines à deux mois.
La situation s'est compliquée vers 1993. Tout en ayant une vie de famille réussie et une belle carrière professionnelle, j'ai commencé à avoir des troubles psychologiques de plus en plus importants qui se sont révélés de nature dépressifs.
Ca a été vraiment très dur. En 1996 j'ai été hospitalisé un mois et en 2000 trois mois.
Les principaux symptômes étaient la panique et une angoisse terrible !
Difficile surtout pour ma femme et mes enfants.
Je ne suis pas encore tout à fait sorti de cette maladie dépressive.
Est-ce que j'en sortirai un jour ? Je vois une psychanalyste une fois par semaine et je suis toujours sous traitement médicamenteux sous suivi d'un psychiatre (anti-dépresseurs et benzodiazepines).
Ces troubles émotionnels et mentaux n'ont vraiment pas facilité mes relations avec le tabac.
Il est clair que lorsque j'ai connu les crises de dépression les plus graves il était tout simplement impossible de me passer de mes cigarettes, mes copines.
Au fil du temps, j'ai compris que le problème du tabagisme n'était pas seulement une question d'addiction à la nicotine. C'est un asservissement à une série de comportements.
Il y a la dépendance aux substances chimiques présentes dans le tabac, mais aussi la dépendance comportementale, les habitudes.
Au fil du temps, je me suis façonné des associations action/tabac, émotion/tabac, nourriture/tabac, alcool/tabac, café/tabac ...
Le geste, le symbole, la chaleur de la fumée, tout autant que la nicotine sont devenus des compagnons inséparables de mon existence.
Fin 2000, au sortir de ma plus grave crise de dépression, nous avons appris que mon père était atteint d'un cancer aux poumons. Incurable. Il est mort en juillet 2001 dans des conditions épouvantables. Il allait avoir 70 ans.
Pendant tout le temps où je l'ai vu mourir, j'ai fumé de plus belle. Je crois que c'est la période de ma vie où j'ai fumé le plus. Fou non ?
Depuis, ma relation de amour/haine avec le tabac est devenue un vrai tourment.
C'est une maîtresse tyrannique qui ne veut pas me lâcher et que je n'arrive pas à quitter.
Combien de fois n'ai je pas jeté mon paquet de cigarettes dans une poubelle du quartier pour aller le récupérer le lendemain matin.
Oui, j'ai fait les poubelles ...
Comme certains le font pour manger, moi je l'ai fait pour fumer.
C'est tellement facile de se dire un soir, lorsqu'on a vraiment le dégout d'avoir fumé, ce soir j'arrête pour de bon !
Mais le lendemain matin, c'est autre chose. Le désir est là, tenaillant, impérieux.
J'en suis arrivé à un point ou je ne peux résister à aucune intervention de la vie réelle ou de la vie de l'esprit sans accompagner l'évènement, qu'il soit positif ou négatif, d'une cigarette.
J'ai arrêté et recommencé un nombre incalculable de fois ...
Et chaque fois que j'arrête c'est le calvaire pour mes proches.
Je suis d'un naturel assez colérique et irritable, et à chaque fois que j'arrête cela devient tout à fait infernal pour ma famille.
Je ne suis pas pour autant devenu un "gros" fumeur.
Actuellement, je fume une quinzaine de cigarettes par jour.
Avec le temps, j'ai appris des choses. Je suis bien conscient qu'il y a des déclencheurs au geste de fumer. Je suis bien conscient que je génère moi-même certains de ces évenements déclencheurs (consciemment ou non) pour avoir une "excuse".
J'ai appris qu'il y a des associations de substances provocantes, qu'il y a un schéma dans mes journées de fumeur.
Café, alcool, sucre, tabac ...
Je me considère comme un buveur "social", c'est à dire que je bois deux ou trois verres par jour (bière ou vin), mais je ne profite pas vraiment de ce verre d'alcool s'il n'est pas accompagné d'une cigarette. Je ne profite pas vraiment d'une cigarette si elle n'est pas accompagnée d'une tasse de café, d'une bière ou d'une boisson sucrée.
Me voilà donc prisonnier de 33 ans de comportements, d'habitudes, de rituels, de consommation de substances addictives.
Lors de mes tentatives précédentes, je me suis bien rendu compte que la dépendance à la nicotine n'est pas la chose la plus difficile à surmonter. Je sais que le besoin physique et le manque engendrent une grande souffrance. Mais je me suis aussi rendu compte que cela ne dure que quelques jours, que les moments de souffrance se font de plus en plus courts.
Le problème c'est après. Passés les premiers jours d'exaltation où je suis vraiment fier de ne pas avoir fumé, les vieilles habitudes reviennent me tenailler.
C'est vraiment devenu une obsession. Quand je fume je ne pense qu'à arrêter et quand j'arrête je ne pense qu'à fumer. Et je me donne toutes les raisons de recommencer, quitte à mettre en péril mes liens sociaux et familiaux.
Je fumes parce que tu ma dis cela, parce que cela est arrivé, parce qu’untel m’a fais cela.
Mais en fait, c’est moi qui crée « cela » !
Fumer avant tout ! ...
Et depuis tout ce temps, ma famille doit subir mes sautes d'humeur liées à ma mauvaise conscience lorsque je fume, au manque lorsque je ne fume pas, et aux désordres liés aux troubles dépressifs.
J'en ai vraiment assez maintenant. Il faut que cela cesse.
Encore une fois, c'est facile à dire juste maintenant, au moment où j'écris ces mots, une cigarette à la main. Et bien oui, je n'aurais bien entendu pas pu écrire tout cela sans fumer, tiens donc ...
Mais ce soir, c'est ce soir et demain est un autre jour.
Et demain, je voudrais être libre.
Je sais maintenant qu'il ne s'agit pas seulement d'arrêter de fumer.
Il s'agit aussi et surtout de changer d'hygiène de vie, de changer de comportements, d’habitudes, de schémas.
C'est cela aussi devenir libre. Devenir quelqu'un d'autre, choisir de ne plus être un esclave, un drogué, une machine à routines, une machine à fumer …
Cela ne va pas être facile.
Demain est un autre jour et il faut qu'il soit différent de tous les autres jours où j'ai essayé d’arrêter. Et il peut être différent parce que c'est la première fois que je partage mes tourments avec d'autres personnes qui ressentent peut-être les mêmes émotions, qui connaissent peut être les mêmes difficultés.
Et parmi vous, il y a les personnes qui ont réussi, qui en sont sorties.
Je vous demande de m'aider et de me soutenir.
Demain sera le jour.
Et bientôt je pourrai à nouveau sentir les fleurs, goûter les fruits et respirer l'air pur.
Amicalement,
Philippe