Modifié le 01-12-03 à 20:05 (GMT)Bonsoir
J'ai envie de vous transmettre mon témoignage de vie avant, pendant, et aprés l'alcool; Je me dis qu'il pourra peut être aider certaines personnes...
Je suis née en 1956 dans une famille de commerçants aisés.
Ma mère m'a souvent raconté, étant petite, que lorsqu'on m'avait présentée à elle le jour de ma naissance, elle avait été tellement déçue que je sois une fille, qu'elle n'avait pas pu me prendre dans ses bras et avait tourné la tête.
J'écoutais ma mère, la voyais déçue; Je devais avoir 4 ans...Je ne savais pas comment réparer cette erreur; Je compatissais à la déception de ma mère, c'est tout ce que je savais faire.
Mon père était alcoolique; Lorsqu'il buvait, il était violent et faisait régner la terreur dans la maison.
Ma mère me racontait ses avortements "avec les moyens du bord", elle se plaignait à moi comme elle aurait parlé à une amie adulte alors que je n'avais que 5 ans, en me racontant qu'un jour elle avait failli mourir d'une hémorragie.
J'étais pétrifiée de peur.
Elle me racontait sur un ton de dépit et de mépris comment elle tombait facilement enceinte, mon père ne sachant pas "se retirer à temps" parce qu'il était toujours saoul.
Mes parents se disputaient souvent; J'ai vu ma mère tenter d'étouffer mon père pendant son someil, vouloir lui planter un couteau alors qu'il lui tournait le dos...
J'étais souvent tirée de mon sommeil par leurs cris et leurs bagarres.
Je me sentais terrifiée, misérablement impuissante à changer quoi que ce soit pour que la situation s'améliore.
Je faisais mon possible pour être une excellente élève, pour me faire la plus discrète et invisible possible lorsqu'il le fallait, et la pitre de service à d'autres moments.
J'ai appris à guetter le moindre signe chez mes proches afin d'y répondre par un comportement approprié, dans le but de préserver ma vie et d'être acceptée au sein d'une famille complètement dysfonctionnelle.
Lorsque j'ai eu 14 ans, ma mère n'a eu de cesse à vouloir que je sorte, que j'aille au bal; Elle me disait qu'à mon âge, elle n'avait pas le droit de sortir, que je devais en profiter car elle m'y autorisait.
Je n'avais aucune envie d'aller au bal; J'étais bien dans ma chambre à lire; J'étais plutôt discrète et réservée.
Ma mère était dépressive et perverse; Lorsqu'elle avait une idée en tête, elle ne la lachait pas.
De guerre lasse, je suis sortie.
Je me suis retrouvée dans un environnement qui ne m'allait pas du tout, dans des salles de bals hideuses et tristes, qui sentaient le pastis et le tabac froid, avec des filles en ringuette qui attendaient que des garçons défilent devant elles pour les inviter à danser.
Au bout de ces salles de bals lugubres, j'ai découvert mon salut :
La buvette avec les verres de muscat.
Je n'ai plus attendu en ringuette comme les autres filles, j'ai osé aller inviter les garçons qui me plaisaient, j'ai osé faire la folle et danser des danses endiablées sur des musiques vaseuses.
A 14 ans, je suis entrée dans une spirale infernale : La psirale de l'alcoolisme.
Mon sentiment d'impuissance à ne pas être un garçon s'est Envolé :
J'osais me comporter comme eux, je dominais mon monde comme un garçon, je collectionnais les flirts, j'avais plein de copains, je méprisais les autres filles, avec l'alcool j'osais tout, je n'avais peur de rien.
A 16 ans, j'ai rencontré un garçon avec qui je m'entendais trés bien...No us avons eu ensembles notre premier rapport sexuel; Avec ce garçon, j'oubliais un peu mes parents et leur folie, avec lui je vivais enfin l'insouciance de mon adolescence; Je n'avais pas besoin de l'alcool.
Cette période n'a duré qu'une année : J'ai cru être enceinte et l'ai dit à ma mère.
Je n'étais pas enceinte, mais ma mère savait que j'avais fait l'amour avec mon petit ami.
Elle nous a forcés à rompre.
Nous essayions de nous voir malgré tout, mais elle a alors commencé son travail de sappe psychologique, et j'ai rompu.
Un gouffre s'est alors ouvert en moi :
J'ai commencé à 17 ans une période de boulimie vomitive qui a duré 27 ans, jusqu'à la mort de ma mère.
Je buvais beaucoup d'alcool, je mangeais à outrance, je vomissais; Je ressentais une sensation de saleté immense en moi, mais extérieurement, on me disait charmante, j'étais intelligente, secrétaire trilingue à l'âge de 19 ans, puis hôtesse dans une compagnie aérienne, je sortais avec des hommes riches qui me payaient le restaurant arrosé de vins fins, de liqueurs, de champagne...Je les remerciais par une nuit ou quelques heures dans des hôtels de luxe ou leurs voitures haut de gamme.
Je sortais en boîte, faisais n'importe quoi pour contenter l'homme du moment dont j'étais amoureuse.
Aprés des sorties trés arrosées, je me suis même prostituée sur les champs élysées, mais en manteau de fourrure, l'apparence était sauve !
J'ai eu des rapports sexuels avec mon frère alors que nous étions saouls tous les deux...
Ma mère était fière de moi, j'étais son faire valoir, elle se vantait à qui voulait l'entendre que sa fille avait une bonne situation, connaissait monsieur untel et était l'amie de monsieur machin.
J'étais heureuse de contenter ma mère, même si au fond de moi, j'étais habitée par la honte, la culpabilité et le dégoût de moi même.
J'ai joué au mariage avec un homme qui m'avait avoué avoir un problème d'homosexualité, qui avait été abusé dans son enfance par un jeune homme de 14 ans alors qu'il en avait 6; Nous marier rassurait nos deux familles, nous étions contents tous les deux.
Nous avons réussi à avoir des rapports sexuels "techniques", desquels sont nés trois beaux enfants au cours des 13 années de ce mariage fantoche.
Mon ex mari avait les mêmes comportements que ma mère :
j'étais en terrain connu; Je savais quoi dire, quoi faire, quelles réactions avoir à la vue d'un de ses airs, d'une de ses mimiques, pour répondre à ses attentes.
Nous nous disputions beaucoup; Je buvais en cachette, mon alcoolisme n'était plus du tout festif; L'alcool était devenue mon compagnon de route; Mon amant.
J'allais le retrouver dès que je pouvais; Il me donnait soit un coup de fouet pour trouver le courage de tenir dans un travail qui me demandait trop d'énergie (Nous avions ouvert notre propre entreprise), soit m'assomait à un moment où mes angoisses devenaient trop violentes, soit m'aidait à ventiler mon asphyxie...
Dans tous les cas, l'alcool m'aidait à "tenir le coup" face aux attentes de ma mère et de mon ex mari et à mes propres attentes de vouloir contenter ces personnes maladivement insatisfaites.
A 36 ans, j'ai touché mon fond :
Je suis arrivée au bout du bout, je ne pouvais plus aller au delà dans l'alcool.
Je n'avais plus rien à perdre de demander de l'aide.
C'est ce que j'ai fait.
J'ai cherché dans l'annuaire les coordonnée d'un médecin alcoologue, il n'y en avait pas sur ma région.
Je me suis alors souvenue que des années auparavant, j'avais lu dans le journal une annonce des Alcooliques Anonymes, disant qu'ils se réunissaient etc etc...J'avais alors ricanné en me disant qu'ils devaient tous trinquer anonymement avec leur nez rouge.
Ce jour là, je n'ai pas ricanné, j'ai appelé leur numéro.
Le soir même, il y avait une réunion, j'y suis allée.
Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie à ma place; Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie acceptée telle que j'étais :
Malade alcoolique.
Et j'ai commencé à me soigner, à essayer de comprendre le programme de rétablissement proposé par ce mouvement d'anciens buveurs, j'ai assisté régulièrement aux réunions, j'ai pris des numéros de téléphones d'alcooliques rétablis avec qui je parlais lorsque j'allais mal, avec qui je parle parfois aujourd'hui pour passer un petit bonjour et donner des nouvelles...
Petit à petit ma vie s'est améliorée, j'ai changé ce qui ne m'allait pas que je pouvais changer, celà m'a amenée doucement vers ce qui m'allait...
J'ai divorcé, mes parents sont décédés; Ma mère s'est défenestrée et a succombé deux ans aprés, des suites de son suicide; Mon père est mort un an aprés elle de la gangrenne suite à une artérite dûe à son alcoolisation à outrance.
J'ai fait la paix en moi avec mes parents avant leur Départ.
Lors du suicide de ma mère j'ai frôlé la rechute mais pour mes enfants, je n'ai pas replongé dans l'alcool, je me suis "gardée".
Aujourd'hui je ne souffre plus de boulimie vomitive, je suis abstinente depuis plus de onze ans, j'ai rencontré l'Homme de ma Vie, nous vivons avec mes enfants dans une maison qui nous va bien, une vie qui nous va, un jour à la fois.
J'ai envie, pour terminer, de remercier tous les malades alcooliques abstinents ou non de ce forum, qui me permettent de faire de mon vécu dans l'alcool et en dehors de l'alcool une histoire qui a un sens.
(Merci aussi aux médecins qui ont ouvert ce forum )
Poulou