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En matière de "lutte contre l'alcoolisme", " longtemps, l'objectif assigné a été la maîtrise et le traitement des complications médicales et sociales liées à la consommation d'alcool, ceci dans une perspective médicale réductionniste ".<34> Ce type de traitement à courte vue tend à se focaliser sur la disparition de la prise d'alcool... et favorise, du même coup, les transferts d'addictions et la polytoxicomanie. Les patients ainsi traités s'acharnent en effet à ne plus boire une seule goutte d'alcool... et "se vengent" - pour reprendre leur propre expression - sur le café, les cigarettes ou d'autres produits psychotropes médicamenteux, qui les aident à fuir l'ennui, court-circuiter le mal-être, conjurer la peur du vide, s'auto-administrer des sensations rassurantes.Ces transferts d'addiction d'une "drogue" à l'autre - résultent également,
au moins en partie, de la désignation de publics trop étroitement ciblés
(alcooliques, toxicomanes, etc.) ce qui conduit à une catégorisation des
mesures, des réglementations et des corps professionnels les concernant. Ces
phénomènes de transferts d'addiction et de polytoxicomanie confirment, dès
lors, " la nécessité d'un décloisonnement des politiques sectorielles, et
donc la production d'une nouvelle logique de composition du champ, ce qui
impose de ne plus raisonner isolément sur des politiques spécifiques ".<35>
A une politique de "lutte contre" - ou d'assistanat -, il conviendrait, en
effet, de substituer une conception plus globale et préventive de l'action
publique, en matière d'alcoolisme et autres conduites addictives. Il s'
agirait alors de sensibiliser les individus aux difficultés (ponctuant tout parcours de vie) qui risquent de donner lieu à des réponses
auto-préjudiciables à long terme. Il s'agirait aussi de favoriser les
apprentissages permettant de donner à ces difficultés des réponses
favorables au développement. Dans une telle perspective, " la promotion de
valeurs donnant un sens à la vie semble aussi nécessaire que les actions à
caractère plus technique ".<36>
Une réorientation des pratiques actuellement en vigueur ne consisterait pas tant à créer de nouvelles structures qu'à introduire dans celles qui, d'ores et déjà, existent, les moyens d'une prise en compte plus fine des réalités en souffrance.
Dans une telle perspective, les structures de soins sachant élargir leurs
activités aux diverses pathologies addictives (tabagisme, boulimies,
consommations non contrôlées de tranquillisants...) ont déjà le mérite de
clarifier nettement le fait que les modifications proposées ne sont pas
centrées sur le produit mais sur la conduite d'addiction. Elles indiquent à leurs usagers qu'il s'agit non pas de "lutter contre... " ou de "faire
disparaître" quoi que ce soit de leur vie, mais de mettre en lumière les
tenants et aboutissants des conduites auto-dévalorisantes, de manière à
pouvoir, ensuite, les réorienter.
* Conclusion
Dans une optique de santé publique (et non pas, seulement, d'ordre public), le référentiel de "lutte contre l'alcoolisme" s'avère trop limitatif. Il pèche, en effet, par sa vision trop étroite du phénomène. Chez les acteurs sociaux concernés comme chez les alcooliques eux-mêmes ou leurs proches, il engendre des pratiques essentiellement défensives, focalisées de manière restrictive, sur la disparition de la consommation incriminée.
Les stratégies de "lutte contre... " amènent le plus souvent les intéressés
à s'immobiliser dans des attitudes volontaristes crispées qui les conduisent
à subir des échecs à répétition. Elles les empêchent de prendre en
considération les déterminants inconscients de leurs conduites aliénantes,
et d'expérimenter des dépassements heureux et durables à leurs souffrances
jusque-là provisoirement court-circuitées par des mesures d'urgence à
répétition.
Il s'agit donc de promouvoir de nouveaux référentiels, qui prennent en
compte la nature des attachements humains pathogènes, qui explorent et
légitiment les fonctions "positives" des conduites devenues gênantes, et qui ouvrent des perspectives réalistes de dénouement et de renoncement. Pour ce faire, il y a lieu de s'interroger non seulement sur la pertinence des outils et des moyens existants, mais également sur celle des objectifs visés. S'agit-il, par exemple, d'empêcher les intéressés de boire, de fumer, de "se piquer"... ou s'agit-il de leur permettre d'expérimenter des manières d'être au monde qui soient plus valorisantes ? Il y a lieu, également, de remodeler l'imaginaire social, en ce qui concerne notamment la distinction rigide entre le normal et le pathologique, entre "ceux qui sont en plein dedans" et "ceux qui en sont prémunis".
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Liste des articles et ouvrages cités
Actualité et dossier en santé publique n°4, sept.1993, pI
Angel S. Décrochez ! tabac, alcool, médicaments, drogues TF1 E., 1992
Autès M. " Le sens du territoire " Recherches et prévisions n°39, mars 1995
Barrucand D. " Le choix du traitement en alcoologie " Alcoologie sep 1997,
t19
Castel R. "Lien social et Politique" RIAC n°34, 1995
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