Age : 25 ans
Etudiante
Célibat'
région IDF
> 1/ Quel âge aviez-vous quand votre père a commencé à boire ? Ou quand vous l'avez su ?
Je ne sais plus très bien. Quand j'avais 7, 8 ans peut-etre. En fait l'alcoolisme est allé en augmentant doucement donc je n'ai pas eu de révélation "brusque". Je ne me souviens plus quand j'ai réalisé que mon père buvait plus que "la normale".
L'alcoolisme était lié à des problèmes conjugaux qui ont commencé dès les premières années de mariage de mes parents.
> 2/ Quelles influences l'alcoolisme de votre père avait sur votre 0quotidien : à la maison et à l'extérieur ?
On n'invitait personne à la maison. On ne pouvait partir en vacances qu'à des endroits ou mon père ne pourrait pas boire. Rapidement, il n'ets meme plus venu en vacances avec nous...
Violences verbales le soir... Mon père criait, il avait un comportement négligé (il dormait par terre, il rotait à table etc). Il nous insultait, surtout ma mère. Il faisait des scènes pour des détails (ménage mal fait, sac poubelle mal fermé, etc).
J'avais toujours peur qu'une dispute dégénère mais en fait mon père usait rarement de violence meme sous influence d'alcool.
> 3/ Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
J'étais (ou plutot nous étions avec ma mere et ma soeur) seule face à ça.
Je n'en parlais pas, j'avais honte, et je trouvais ca trop personnel. J'ai mis des années à en parler à mes amis les plus proches, et encore, je ne l'ai fait que quand mon père a été hospitalisé.
Meme maintenant, j'ai du mal à aborder le sujet, meme si je me force à en parler des amis pour tourner la page. Mais je considère toujours ca comme quelque chose de très honteux, très secret. De plus, je ne voulais pas reconnaitre que ce probleme me touchait aussi. Je voulais etre "normale", sans "probleme".
La mauvaise image qu'on a de l'alcoolisme n'aide en rien. Pourquoi des maladies de dépendance sont honteuses et d'autres non ? pourquoi ne peut-on pas comprendre la détresse dans laquelle se trouvent les alcooliques ?
Maintenant je réfléchis aux conséquences indirectes que tout ca a eu sur moi : j'étais d'un naturel assez timide, calme, je me suis renfermée à l'adolescence, j'étais faible, je n'ai jamais eu confiance en moi, je me suis laisse marcher sur les pieds.
> 4/ Votre père se faisait-il soigner quand vous étiez enfant ?
Si oui, combien de tps ? Le suivi a-t-il abouti à des interventions en votre faveur ? De quel ordre ?
Il ne s'est jamais fait soigner... par manque de volonté, par peur et par honte.
> 5/ Avez-vous demandé de l'aide, de quelle manière ? Cela a-t-il abouti ? Vous êtez-vous senti soutenu ?
Nous avons demandé de l'aide à nos proches, en général en vain.
La personne qui nous est venu en aide de manière efficace est notre médecin traitant. Mon pere a eu un jour une attaque (foie) a son travail. Il a refuse de prendre une ambulance, et le medecin de famille l'a serieusement mis en garde. Malgre nos pleurs il refusait toujours de se faire soigner... C'etait il y a 4 ans environ.
Quelques semaines plus tard le medecin familial le faisait hospitaliser quelques jours pour "examens". Il y est resté 4 mois !
En fait, il a été désintoxicé. C'est a dire qu'on l'a soigné contre son gré. Nous ne savions pas non plus, mais nous avons vite compris que ce n'était pas de simples examens. Depuis, il n'a pas replongé, malgré une convalescence longue et difficile. Sans ce médecin, je ne sais pas ou nous en serions aujourd'hui !!
Mais je ne sais pas si j'aurais aimé en parler à mon entourage, avant. Je pense que je préfère que personne n'ait rien su. J'aurais plus souffert d'en parler, je pense. Peut-etre est-ce lié à un sentiment très enfoui de culpabilité.
> 6/ ESt-on venu au devant de vous pour vous aider ?
Non... Jamais.
Dans l'entourage de mon père, on faisait semblant de ne rien savoir.
7/ Quelqu'un a-t-il perçu vos difficultés ? Si oui, vous a-t-il aidé ? De quelle manière ? Si non avez vous partagé ces difficultés avec qq ?
Non...
> 8/ Si vous n'avez pas été aidé, auriez-vous souhaité l'étre ? Par qui et de quelle manière ?
Par les frères et soeurs de mon père. La famille ignorait le problème... Bien que mon père ne soit pas le seul à en avoir souffert.
Nous leur avons souvent demandé de l'aide mais aucun n'a voulu nous aider. Ils faisaient l'autruche...
> 9/ Au cours de cette période, avez-vous rencontré des professionnels (médecins, éducateurs, assistantes sociales, ...) qui ont eu connaissance de l'alcoolisme de votre père ? Si oui, vous ont-il proposé de l'aide ?
Notre médecin traitant. Il a d'abord essayé de convaincre mon père de se faire soigner, en vain. Ensuite il a utilisé le stratagème décrit plus haut.
Mon père a aussi consulté un psy pendant quelques années, sans résultat.
> 10/ Aujourd'hui, que pouvez-vous dire de cette période ? Que ressentez vous quand vous y repensez ?
A lire les témoignages d'autres enfants d'alcooliques, je me dis que nous aurions pu tomber plus mal. Je suis heureuse que mon père ait pu guérir, meme si j'ai de la peine pour toutes ces années perdues. En fait, j'ai surtout de la peine pour mon père. Il était malheureux et pour moi c'est une maladie qui l'a frappée. Je comprends les raisons pour lesquelles il est tombé la-dedans (antécédants familiaux, vie privée...). J'ai tendance, aujourd'hui, à le deresponsabiliser (contre-coup de la guérison, et de ma propre culpabilité), après lui en avoir voulu de ne pas s'etre fait soigner.
J'ai aussi de la peine pour ma mère qui a du supporter ca tout ce temps. Je vois aussi que ma soeur a ete tres fragilisée par toutes ces années. Moi, je n'ai pas l'impression d'etre très affectée, mais je le suis sans doute tout de meme...
Nous avons aussi eu beaucoup de chance qu'il ne replonge pas...
Je voudrais que l'image qu'on a de l'alcoolisme change. Les alcooliques ne sont pas (ou du moins pas tous !) des monstres... ce sont des gens malades, avant tout.