Bonjour,
je pense que le problème n’est pas de dire d’emblée si les statines sont efficaces ou pas, si les études sont frauduleuses ou pas.
Ce qu’il faudrait, c’est déjà comprendre ce qu’est un essai clinique et comment il a été construit. Or, cette compétence là n’est pas vraiment enseignée aux médecins.
Ils doivent se former pour l’obtenir, en payant de leur poche, s’il en ont l’envie et le temps.
Autant dire que le nombre de médecins à l’esprit critique, lisant l’anglais et capable d’analyser les essais cliniques doit être plutôt bas.
Quelques pistes pour comprendre pourquoi même les meilleurs essais (4S, LIPID, CARE) ne sont pas si utiles que ça pour des patients français.
Déjà, on peut dire en préambule que le critère de Mortalité Toutes Causes (MTC) devrait être le seul critère efficace pour analyser une étude en prévention secondaire. Mais cela nécessiterait des études immenses, longues et chères, et l’industrie ne veut pas payer, personne ne veut se payer le luxe d’attendre une telle étude.
Choix du critère principal :
En prévention primaire, le critère composite de "Mortalité CV + Infarctus Non Fatal" me parait pas mal.
Un problème est que les essais utilisent souvent un critère composite basé sur des critères flous ou subjectifs, voire des décisions d’hospitalisations ou de revascularisations.
Accès aux données :
Déjà, un essai multicentrique va se dérouler dans 10 à 100 lieux différents, dans des pays différents. Les investigateurs ne peuvent pas avoir un accès direct aux données. Cela permet au sponsor (les essais sur les statines sont tous sponsorisés, et en grande partie des essais "marketing", visant l’extension d’un marché juteux) d’avoir un contrôle important sur les données brutes.
Choix du pays :
Ensuite, le pays choisi va être un pays à fort risque, à forte Mortalité CardioVasculaire (Finlande, Ecosse, Australie, Nouvelle Zélande, USA, Irlande, ...). Or ces pays ne sont pas représentatifs de nos patients français et de leur risque bas.
Premier biais possible : le biais de consentement.
Il est probable que la population recrutée par un essai clinique ne soit pas équivalente à la population générale, car le simple fait d’accepter de participer à un essai clinique en dit long sur la personnalité des volontaires. Ils sont peut-être en meilleur santé que les autres malades, ou plus observants, ou avec plus de force morale ou mieux soutenus par leur entourage ou ...
Bias from requiring explicit consent from all participants in observational research
Biais de sélection :
Puis, les patients à haut risque de ces pays à haut risque vont être hyper-sélectionnés. Cette phase permet presque à coup sûr d’avoir un essai clinique positif et une AMM pour le médicament.
Run in periode :
Mais cela ne suffit pas : les patients retenus pour l’essai, qui déjà ne sont plus représentatifs du tout d’un patient français, vont être re-sélectionnés, lors d’une période de "run in". Cela permet de trier encore les fragiles, les non-observants, les bons répondeurs au médicament.
Biais sur les effets secondaires :
Pour tromper les médecins, le protocole va établir des règles extrêmes : le moindre petit incident sera utilisé pour une sortie de l’essai. Cela permet qu’il y ait presque autant d’effets secondaires dans le groupe "traitement" que dans le groupe "placebo" (ou contrôle).
Souvent même, comble de l’arnaque, on trouve même plus d’incidents dans le groupe "placebo".
Façon de présenter un résultat négatif :
Si l’essai parait montré un sur-risque (cancers, problèmes cognitifs, rhabdomyolyse, ..), il suffit de faire une fausse méta-analyse pour dire "Oh, cela devrait être dû à la chance car la M-A ne montre rien" (voir essai PROSPER : "incorporation of this finding in a meta-analysis of all pravastatin and all statin trials").
Nier ses propres résultats :
Ou alors les investigateurs peuvent dire "Bon, notre essai est négatif mais on SAIT que les statines sont efficaces, alors notre découverte n’est pas à prendre en compte" (voir essai ASPEN : "...did not confirm the benefit of therapy but do not detract from the imperative that..." )
Autre magouille dans la présentation :
On falsifie les "abstracts", qui sont peut-être la seule partie qu’un médecin pressé a le temps de lire (et auquel un citoyen lambda a accès sans payer).
Believability of relative risks and odds ratios in abstracts : cross sectional study
Privilégier la population masculine :
Autre technique : on n’inclue que des hommes (essai WoSCoP) ou alors très peu de femmes (19% dans 4S, 14% dans CARE, 17% dans LIPID) et après on claironne que le résultat s’applique aux femmes.
L’emploi des statines chez les femmes
Why Eve Is Not Adam : Prospective Follow-Up in 149,650 Women and Men of Cholesterol and Other Risk Factors Related to Cardiovascular and All-Cause Mortality
Fraude de plus : se tromper un peu dans les calculs, de manière à trouver "Significatif" ce qui ne l’est pas en réalité. Et qui refait les calculs quand il lit une étude ? Personne, pas même la FDA ou autre agence gouvernementale.
Ou présenter un résultat (17% de réduction de machin), sans préciser qu’il est Non (...)