A DD
Te lire me fait penser que décidément les lacunes dans la formation médicale sont incommensurables.
Tu jettes par-dessus-bord d’une chiquenaude un siècle et demi de recherches épidémiologiques en affirmant qu’on ne peut pas connaître les besoins sanitaires d’une population.
Tu pourrais dire ce que tu voudras le jour où il n’y aura plus du tout d’institutions publiques pour mener des recherches épidémiologiques indépendantes sur l’état de santé des populations. Mais pour l’instant les liens entre besoins sanitaires des populations et niveau de vie sont plutôt bien établis, contrairement à ce que tu dis.
Tu mélanges trois concepts différents : demande, besoins et solvabilité et tu nous fais une sacrée soupe à ta convenance. Je suppose que tu as des conflits d’intérêt sur le sujet, et que, comme beaucoup de médecins, tu as des enfants qui font des études en médecine… Tu n’es donc pas neutre sur le sujet.
Sans parler du fait que en soutenant cette position tu exposes tes patients. Justement parce que les patients aisés sont généralement en bonne santé et ont peu de besoins. Ils sont donc plus près de franchir la ligne jaune, au-delà de laquelle les interventions de santé deviennent plus délétères que bénéfiques.
En favorisant la pléthore de l’offre et en laissant des médecins venir s’agglutiner dans les secteurs où il y a une clientèle solvable, tu augmentes donc les chances que ceux-ci reçoivent des soins inutiles ou superflus dont leur santé risque de pâtir. Plus l’offre de soins sera abondante concurrentielle et agressive plus les patients des quartiers aisés n’auront plus que leur seul discernement pour se protéger de la iatrogénie.
En ce qui concerne les populations pauvres, les besoins de santé sont complexes. Ils tiennent aussi à un défaut d’information, à un défaut d’autonomie, à un défaut d’éducation en matière de pratiques de prévention.
Les liens qui semblent bien établis sont entre :
diabète et pauvreté (3 à 4 fois plus de diabétiques chez les personnes précaires)
obésité et pauvreté (deux fois plus d’adultes obèses chez les personnes pauvres et 10 fois plus d’enfants obèses chez les enfants d’ouvriers par rapport aux cadres)
santé bucco-dentaire et pauvreté
santé mentale et pauvreté
troubles visuels non corrigés et pauvreté
grossesse précoce et pauvreté
Cela se traduit in fine par des disparités d’espérance de vie particulièrement marquées chez les hommes en raison, notamment, des carences majeures dans la prévention en France (carences auxquelles participent les inégalité d’accès aux soins et les insuffisances de la formation des médecins)
Donc, oui, il y a plus de besoins chez la population pauvre en matière sanitaire que chez les populations aisées. Et, en proposant de concentrer les moyens là où il existe une demande solvable, tu raisonnes selon un modèle libéral, qui est également celui des laboratoires pharmaceutiques (concentrer l’offre dans les pays riches) et qui aboutit à un effet contre-productif de l’offre de soins sur la santé des populations, en aggravant la situation des pauvres au regard de l’accès aux soins et en produisant de la iatrogénie chez les plus aisés.