Excellent travail , très didactique, de déconstruction d’un message publicitaire. Cela pourrait très bien être intégré dans l’enseignement de fin de primaire, collège. Mais peut-on faire une chose et son contraire ? Inviter les sucriers à éduquer les enfants à bien se nourrir et donner les moyens aux enfants de ne pas être dupes du message implicite ?
Les objectifs de l’agence qui a fait cette vidéo sont très clairs et ne laissent aucune place au doute.
Il s’agit de techniques d’influence. Il faut bien qu’elle les mette en avant puisqu’elle vend son savoir faire en la matière et est à la recherche de clients. Il s’agit donc pour cette agence de montrer son habileté à modifier l’image des produits sucrés, les représentations du spectateur, dans un sens favorable au sucre. Et de le faire sans que la personne qui regarde en prenne conscience, car alors son esprit critique pourrait faire échec à ces tentatives d’influence.
Pour cela, comme tu l’expliquais, le message fait appel aux émotions et non à la raison. Et vise une cible précise : en l’occurrence l’enfant qui est le personnage principal, placé en situation d’être le prescripteur d’achats (l’enfant roi, président).
Elle le fait derrière le dos des parents et des enseignants, car elle s’adresse directement aux enfants. Par exemple, je n’avais par perçu l’intention du poisson, parce que j’aime le poisson.
Le message se sert des émotions, positives ou négatives, par le biais d’associations créées artificiellement pour modifier les représentations des enfants. Tu l’as expliqué pour le poisson. Pour l’image où les gâteaux volent autour de l’ancêtre à côté des fruits et légumes, il s’agit de mettre tous ces aliments sur le même plan, de les confondre dans une même représentation positive pour l’enfant. Si l’image était traduite en mots on pourrait dire : parmi les bonnes choses (bonnes pour la santé ou bonnes par leur goût, la confusion est volontairement entretenue) que nos ancêtres nous ont légué, il y a les légumes et les sucreries, qui sont à mettre sur le même plan.
Contrairement à ce que dit Glouchkoff, plus haut, on ne peut pas mettre l’alimentation sur le même plan que le tabagisme. Pour le tabagisme, il s’agit d’une addiction qui répond à des mécanismes complexes, et encore mal connus.
L’alimentation du futur adulte est très sensible à l’éducation reçue pendant l’enfance qui génère des habitudes alimentaires qui seront peu modifiées chez l’adulte. En tous cas qui ne seront pas modifiées de manière spontanée. Elle est sensible aux messages énoncés mais aussi à l’exemple donné par les parents (de la même manière toutes les études montrent que les ados ont moins de chances de devenir fumeurs lorsque les parents sont non fumeurs). J’ai connu des adultes de 30 ans qui ne se nourrissaient que de pizzas de hamburgers et de sucreries, car c’est ce que les parents leur avaient appris petits, en ne les incitant pas à consommer d’autres aliments. Arrivés vers la trentaine leurs dents commençaient à se déchausser en raison des carences vitaminiques.
La tâche des parents et des éducateurs en matière d’éducation nutritionnelle est complexe et la pression constante et normalisatrice de la publicité et des leaders d’opinion comme Patrick Tounian la complexifie énormément car elle s’oppose à l’apprentissage d’une alimentation équilibrée.
Les parents, une majorité de parents, quel que soit leur milieu social, ont beaucoup de mal à assumer leur rôle d’éducateurs en acceptant de frustrer leurs enfants quand ils savent que ce serait nécessaire. En même temps l’interdiction pure et simple est contre-productive car cela rend les produits interdits particulièrement attrayants. Il s’agit plutôt pour les parents d’apprendre à leur enfant à diversifier et à affiner progressivement les plaisirs gustatifs. Car le sucre semble être le seul aliment qui procure un plaisir gustatif immédiat et universel (expériences sur les nouveaux nés). En fait le sucre provoque une sorte de shoot gustatif, un plaisir très immédiat et intense. Si on laisse l’enfant livré à lui-même, les sucreries ont tendance à prendre de plus en plus de place dans son alimentation.
Et je remarque aussi la subtile allusion à l’orgasme avec le tonton qui se fige dans une expression d’extase tandis que des sucreries tournent autour de lui. Le sexe provoque, chez les adolescents, une curiosité avide, à la fois synonyme d’interdit et de plaisir, caractéristiques qu’il partage avec le (...)