Cher DDD,
Vous êtes au front, en première ligne.
Les combats que vous allumez sont nécessaires et courageux.
Mais parfois il est du devoir de ceux qui vous admire de vous alerter sur le risque d’inflation et d’omnipotence, qu’a su éviter Irène Frachon :
"quel con", "Ah, cette certitude qu’ont les hommes de pouvoir d’être plus intelligents que les autres ! Si l’intelligence et l’esprit critique menaient au pouvoir, cela se saurait.".
Peut-être Peillon est-il un con, le futur en jugera. Je préfère croire que non et que, emportez par la colère, vous n’avez pas décelé au sein de cette réponse politicienne calibré pour l’assemblé que vous avez peut-être déjà gagné la première bataille du lanceur d’alerte : "Et enfin, s’il y a manquement à ces engagements, je vais les vérifier..." à 1.45 de votre extrait.
Bon, pour être plus constructif, je vous propose un texte (sur le site revuedumauss) à propos ... de l’étiologie qui fait qu’on choisi d’être un Jedi (un lanceur d’alerte, un membre du Formindep, un lecteur de pharmacritique, etc) ou un Sith (Patrick Tounian, Michel Cymes, Servier (seigneur Sith ;-), etc.).
Car, pour continuer la métaphore, les Jedi ont intérêt à se comprendre eux même (γνῶθι σεαυτόν) pour ne pas sombrer du coté obscur...
Ce texte est une présentation synthétique du livre de Michel TERESTCHENKO "Un si fragile vernis d’humanité - Banalité du mal, banalité du bien"
LA LIBERTE D’ESPRIT par B. Cannone
La liberté d’esprit ? Elle consiste, selon l’ancienne et toujours valide posture cartésienne (n’en déplaise à ses détracteurs oublieux de l’histoire, qui lui reprochent aujourd’hui de n’avoir pas assez pris en compte l’inconscient, la fantaisie, la sensibilité : songez, détracteurs, et tant pis pour ma parenthèse, qu’au moment où Descartes introduit cette tant décriée « rationalité » dans la pensée, il ne combat pas la sensibilité et l’imagination mais la superstition et l’obscurantisme qui règnent en ce temps-là et il nous sauve, ingrats que nous sommes, de la confusion intellectuelle. Bref, la liberté d’esprit, donc, consiste, il nous l’a enseigné, à ne jamais tenir pour acquis ce que nous n’avons pas au préalable repensé. La difficulté n’étant pas tant de repenser que de se rendre compte que l’apparente évidence n’est qu’une construction comme une autre et peut donc (doit) être repensée avant d’être admise.
Exemple saisissant : depuis trois siècles, la pensée occidentale (aujourd’hui l’économie, la psychologie, la sociologie, la politique) s’est construite sur l’idée que toute action humaine a pour fondement l’égoïsme. « Toutes les vertus des hommes se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans la mer », écrit La Rochefoucauld, ou encore : « Il n’y a point de libéralité, et ce n’est que la vanité de donner, que nous aimons mieux que ce que nous donnons ». J’ai vu des gens très intelligents (et généreux) prendre un petit air de philosophe pour affirmer que nous ne sommes qu’égoïsme et je sentais combien ils se croyaient lucides, qu’ils étaient même assez fiers de leur (cruelle) lucidité : « Ah, j’aimerais tant vous dire le contraire, n’est-ce pas, mais malheureusement, il faut admettre la triste évidence, l’égoïsme, n’est-ce pas, etc. » Bref. Michel Terestchenko note, dans Un si fragile vernis d’humanité, combien ce « dogme » de l’égoïsme entre en contradiction avec les conduites effectives de tas de bénévoles, donateurs anonymes etc., et surtout combien mal il correspond au fait que chacun, dans la vie quotidienne, valorise sans cesse et expressément les conduites généreuses et les attitudes altruistes. Car pour aller jusqu’au bout du dogme, être cohérent avec lui, il faudrait, devant les attitudes généreuses, ricaner ouvertement : « Moi, on ne me la fait pas, je sais bien que tout ça n’est qu’égoïsme, au fond ». Mais non : la morale ordinaire continue de valoriser la solidarité et l’altruisme. Et ce n’est pas qu’on ne tirerait aucun bénéfice d’amour-propre d’un acte généreux. Bien sûr qu’on en retire : mais on ne l’avait pas fait pour ça. Le bénéfice est venu comme un surcroît et non comme le but.
Pour attaquer ce lieu commun, il faut aussi considérer ce qu’on a coutume de lui opposer : Terestchenko évoque notre conception de l’altruisme qui n’est pensé que comme une posture purement sacrificielle, impliquant l’exclusion absolue du souci de soi, la déprise, l’abandon à une altérité radicale (Dieu, la loi morale ou autrui). Il est certain que face à une alternative aussi extrême, égoïsme pur ou sacrifice total, la position morale devient inaccessible et juger des conduites humaines quasi impossible.
Et si au contraire l’altruisme était l’inverse de la déprise, laquelle est surtout réclamée par les systèmes totalitaires ou les institutions aliénantes ? S’il signifiait plutôt bienveillante relation à soi dans laquelle, par souci d’estime de soi, de fidélité à ses convictions les plus intimes, on accordait ses actes à son image de soi ? Théorie capitale qui permet de repenser les positionnements individuels dans les situations de violence extrême. " Banalité du mal, banalité du bien ", sous-titre l’auteur après Arendt : n’est-ce pas cette (...)