Modifié le 01-02-04 à 11:58 (GMT)J'ai encore posté plus vite que mon ombre, alors ne vous étonnez pas s'il n'y a rien pour l'instant, je remplis...
Retour de boite, un peu saoul, à 2 heures du mat.
D'abord je retrouve Paul au Yard, dans Soho. La foule est mixte, bigarrée même, ça reste très preppy, BCBG comme disent les Français. Paul est en retard, comme d'hab, je prends une bière et je regarde autour de moi. Je ne sais pas si c'est moi, mais je vois moins de fumeur... Bien sûr tout le monde sait que c'est une espèce en voie de disparition... On retrouvera peut-être un jour des fossiles de fumeurs, la clope au bec. En fait, ils seront sans doûte fossilisés à cause de la couche de goudron dans les poumons... Saviez-vous que fumer un paquet de goudronneuses par jour équivaut à se tapisser les poumons d'une cuillère à soupe de goudron toute les semaines. Terrible quand même.
Donc, je cherche les fumeurs dans cette foule. Mes indices: Le teint gris, les taches sur les doigts, les dents jaunies...
Et puis je les vois, petit à petit se détacher. Mais ils ne fument plus comme on fumait dans les année 50, avec poise, la cigarette en l'air, le regard supérieur, ce n'est plus Garbo, Arletti, The Great Gatsby, quand fumer était sexy, quand les hommes était des hommes et les femme était des vamps... Non, les fumeurs d'aujourd'hui sont honteux, ils se cachent, ils se savent coupable, pollueurs. Ils tiennent le roulonocif du bout des doigt, le plus loin possible d'eux, vers le bas...
Paul arrive enfin et nous prenons deux ou trois pintes de bière au Yard.
Paul fume, ce qui n'est pas bien. Il parle toujours d'arrêter aussi, ce qui déjà ça. Et d'un seul coup, je me rend compte que je lui parle du sevrage comme un pro, comme un tobacologue. Que j'ai beaucoups appris en me promenant ici sur le forum, à discuter avec vous. Je suis devenu un expert. Et l'on m'écoute. Entre parenthèses, il ne faut jamais m'écouter trop longtemps, sinon ça me monte à la tête et je commence à m'y croire... Je suis acteur, c'est plus fort que moi...
Quelques pintes plus tard, et ça y est, en l'espace de 20 mns, j'ai concocté pour Paul une méthode "taylor made" pour arrêter, sur 1 mois, avec régime assorti et soutien psychologique à l'appui. Je me méduse tout seul. Je réponds à ses questions avec aisance, je souligne un danger, j'écarte une incertitude... Professeur éméritus tobacologue Anton Dragonof, je me vois déjà ouvrir un cabinet, des foules de fumeurs viennent reçevoir à mes genoux, la recette miracle. Non, pas miracle, mais l'enseignement, LA VOIE... J'écris un livre, best seller immédiat, traduit en 72 langues... LA VOIX RETROUVEE
- "La voix retrouvée, c'est le titre de votre dernier ouvrage, Stéphane Cornicard, certains parlent même d'un enseignement, d'un culte. Comment faites-vous? Quel est votre secret, car vous restez une personne modeste, qui fuit la publicité et les néons de ce monde. Qui est la personne derrière le gourou?"
- "Et bien, Bernard, je peux vous appeller Bernard? ..."
J'ai une foule d'admirateurs, de fans éplorés qui me suivent partout...
Un ex essaye de m'aborder dans la rue: "Stéphane, je ne savais pas, pardonne-moi... Recommençons, je t'en prie." Je le regarde longuement et je réponds: "Je peux pardonner, Louis, mais je ne peux oublier. Ce que tu veux est impossible, maintenant, j'ai une mission."
Des réformés aux poumons clairs se précipitent vers moi dans la rue, alors que j'attends pour aller au théâtre avec quelques amis charmants, et protestent de leur dévotion, car, disent-ils, je les ai sauvés d'une mort certaine. Une femme vient me mettre un enfant entre les bras en me demandant s'il peut porter mon nom, parce que, dit-elle, j'ai sauvé sa famille de la faillite. La foule se presse contre moi, m'opprime, je lutte pour m'échapper, ils me poursuivent en scandant "LA VOIE C'EST TOI". J'essaye de fuir dans une allée, mais c'est un cul de sac et la foule se précipite sur moi, me submerge, ils veulent tous un bout de la chemise, de mon smoking...
Et quand je reviens à moi, Paul est parti, je suis en sueur, dans le bus de nuit qui me ramène chez moi, j'ai mal à la tête et j'ai besoin de mon lit...
Et un Porto Ricain basanné pas très frais m'explique, par dessus le siège, pourquoi il a décidé de venir à Londres, il y a 15 ans de cela et comment il n'est jamais reparti...