Salut Isa:Tu m'écris :
>Ce serait intéressant de pousser ta réflexion plus loin sur la
>manière de donner un sens à ta vie tout en
>tenant compte de tes troubles et de ta relation aux
>autres et à toi-même et de ton être au monde.
>Si le travail n’est pas une fin en soi mais
>juste un moyen alors quel est ton but ?
Donner un "sens de la vie", mon "être au monde"... Euhlàà!
Je fais plutôt dans la recherche de petits plaisirs et dans le "general socializing" à temps choisi, et pas du tout dans le métaphysique...
Le travail n'est pas une fin en soi, juste de la fatigue et surtout un peu de "satisfaction".
Dans ma vie, j'ai glissé du "peut mieux faire" au "pourrait faire" au "ne fait rien", en passant sans effort aux "doit faire ses preuves". Puis "mon problème d'ascendants" : ma mère et mon grand-père déments ; j'étais longtemps seul à m'occuper de ça (petit frère trop petit, trop jeune, trop con -il a grandi heureusement, grand frère trop loin, pas vraiment conscients ni l'un ni l'autre). Et j'ai "dû faire" et ça m'a occupé pendant bien 10 ans. Des choix certes, mais pas "d'envie" jusque là. Et puis, quand la nécessité a disparu, j'ai voulu m'occuper de moi, j'ai été retrouver du social, du sentimental très satisfaisants; et au professionnel, boum : épisode délirant, apragmatisme, AAH, et tout ça... Je ne souffre pas vraiment de la situation, je ne me sens en rien coupable de quoi que ce soit désormais, même pas malheureux, mais tout le monde autour de moi s'accorde à dire que c'est un peu dommage. "Dommage", mais pas "foutu". A 12 ans, à la mort de mon père, j'étais "foutu", ma mère m'a tenu à bout de bras pendant toute mon adolescence, j'étais nourri d'une immense culpabilité et d'un sentiment de monstruosité. Beaucoup plus tard est apparu "le désir de désirs", je suis homosexuel et je n'ai connu mon premier amant qu'à l'âge de 26 ans, le monstre avait enfin "décidé" de se déguiser en garçon, c'est grace au regard (et aux caresses) des autres (d'un autre), que j'ai réussi à me convaincre plus que de mon orientation sexuelle, de ma sexuation même.
La recherche de sens? Quel est mon but? Mon but? Un but?
Je dois t'avouer que je ne fais pas du tout là-dedans. C'est peut-être pathologique, c'est peut-être ça la "dissociation" de la réalité et de la vie psychique? Moi pas comprendre.
(Là je voulais citer Prospero dans la Tempest de Shakespeare, à la fin de la pièce quand il s'adresse au public, il dit un truc sur la vie et sur le rêve, je suis incapable de dire les mots, je crois que je ne sais même pas le sens des mots, juste c'est beau, juste j'aime ; j'ai cherché le bouquin, je n'ai pas trouvé, tant pis, au passage, je relirai Dante, Forster et Mishima sur lesquels je viens de retomber)
La fameuse "réalité" à laquelle je suis sensé échapper, (ou est-ce elle qui doit m'échapper?), j'y ai renoncé, je ne la conçois qu'en "perceptions". Le rêve là-dedans? Et si c'était une perception de la "réalité"? Pour moi, c'est. J'ai correspondu pendant quelques mois avec un musulman en quête de vérité, pfff, gentil, mais pénible le gars, avec ses pulsions homosexuelles réfrénées et son prosélytisme actif, je n'ai pas besoin de "vérité".
C'est la psychose (dans le sens "psychosis" que donnent les anglophones au mot : "crise", quoi) qui m'a apporté la Foi. Une nuit juste avant l'éclypse totale d'août 99, après plusieurs jours sans dormir, à la fenêtre j'ai fais "j'ai besoin de ton évaluation", et juste après un truc dans le crâne... J'ai eu ça à plusieurs reprises par la suite, plus nouveau, moins intense, je m'étais même entraîné à les provoquer et à les contrôler, ça doit un être une décharge de dopamine ou d'autres trucs en "ine", je ne sais pas et je m'en fiche, je crois que le seul mot c'est "extase", ça ne ressemble à rien de connu, j'ai peu d'expérience dans les drogues (je ne pratique, en fait, que café-tabac-alcool, et je connais ma propention à l'excès et à la compulsion, donc je me satisfait de ça avec un manque de modération contrôlé), ça touche un peu les mêmes endroits que l'ivresse cannabique mais en pas du tout pareil. Et ma réaction, ce premier soir là : "Putain, j'ai la foi!", après quoi grosse confusion et tout ça. Mes délires tournaient sur les mots (jeux de mots): évaluation (évaluer), associé (association, associer) et conception, et tout se jouait entre Dieu et moi. Le signal de la fin de mon deuxième épisode délirant c'était quand j'avais réussi à "associer" la conception de Dieu. Dieu est l'inconcevable, c'est La Conception (c'est en tout cas celle qui me va, une copine catho m'a expliqué les histoires de Mystère en trois partie, les trucs d'âme éternelle et que Dieu aime, et le péché tout ça... chacun son Dieu, ma foi vaut bien celle de n'importe qui, même si elle ne m'a pas été transmise, inculquée, même si je ne la partage avec personne, même si je ne prie pas...). Dieu n'évalue pas, et Dieu associe (tout et tout le monde à n'importe qui ou n'importe quoi n'importe comment), et Dieu veut (mais alors là je ne cherche plus à savoir quoi, ça n'est pas mes affaires).
C'est marrant ça je veux parler de réalité et je parle de Dieu. La fin du délire c'est arrivé avec cette décision, que je fiche la paix à Dieu, et que Lui me fiche la paix, on s'entend très bien Lui et moi depuis cette décision, juste j'ai la foi, c'est précieux et, à la fois, c'est absolument gratuit (pas besoin de s'embêter chez les curés ou les imams ou que sais-je, pas de péché, pas d'éternité, pas besoin d'aimer Dieu ou de se faire aimer par Lui, et c'est comme ça que Dieu veut et c'est très bien ainsi).
C'est là que je reviens à cette "réalité"... A Dieu la "volonté", à Dieu le "sens de la vie", à Dieu les "buts", à Dieu la "réalité". Fort de ma foi, je recherche des petites satisfactions, des petits plaisirs, j'évite autant que possible les douleurs ou les petits tracas (qui surmontés sont pourtant autant de petites satisfactions), je vis quoi, je partage, j'aime... J'aime, plein de trucs, des endroits, des livres, des films, des pièces de théâtre, des musiques, des mets, des boissons, des situations, des gens, ma mère, son chien, mes frères, mes ami(e)s, et quelqu'un en particulier (que je voudrais mettre dans mon lit et, j'espère, dans ma vie au retour de ses vacances en septembre).
"Elle est bidon ta foi! Tu ne crois en rien!
- T'as parlé à Dieu toi?
De la première main, je te dis, en direct."
Tu me proposais d'entamer une réflexion poussée, et je te raconte n'importe quoi.
En gros, "relation aux autres", "être au monde" : ECHANGES ENTRE EQUIVALENTS (même la baise obéit à cette règle, ça peut te faire bondir, mais réfléchis). Sauf en matière d'affectif où je ne sais pas compter, mais, je crois, personne, et je ne sens pas anormal (aboulique? voc.?) là-dessus.
Autre chose que m'a appris la vie : je sais m'autoriser à être en parfaite contradiction avec moi-même sans ressentir aucune gêne.
J'aurais été infoutu de citer Shakespeare, et je finirais par ça (punition pour ceux qui lisent) :
"I have opinions of my own -strong opinions- but I don't always agree with them" -George Bush-
Pardon,
Amitiés.
Stef