Chère Misty,Désolée de vous répondre en décalé.
Non, rassurez-vous, je ne suis pas blindée, juste un peu caparaçonnée .
Je pense depuis longtemps (avec une certitude farouche) qu’il est inutile d’ajouter de la souffrance à la souffrance et qu’il est bon de montrer à nos enfants qu’il existe aussi une vie où le malheur n’a pas forcement lieu d’être, une façon également de désengluer nos relations. Plus facile à dire qu’à faire, c’est sûr, mais d’avoir si longtemps côtoyé la maladie psychique au sein de ma famille, ne m’a pas laissé tellement le choix.
Je crois que beaucoup de parents, comme nous, ont dérivé, dérivent, quand la maladie mentale est évoquée pour la première fois, avec toutes les vieilles peurs qui surgissent. La rupture est telle qu’il est normal d’en passer par le déni et sa cohorte d’effets secondaires : critique systématique des traitements, remise en cause des diagnostics…Nous avons été si longtemps à l’affût, mon mari et moi, d’un mot de médecin, d’un dosage de tel ou tel médoc, d’une phrase de notre fils lâchée au hasard d’une discussion-il avait très peur de dire ce qu’il ressentait (voix ou autre), comme si le fait de le dire confirmerait la réalité de ses peurs- y cherchant sans cesse l’espoir de remettre notre fils dans une relative normalité …L’étiquette m’importe moins, maintenant, (enfin, un peu moins…).
Internet nous a probablement sauvé la vie : outre ce forum, de pouvoir remettre les « symptômes » dans un contexte, se tenir au courant des dernières avancées de la recherche, de savoir tout simplement que nous ne sommes pas seuls et surtout pas des pestiférés. Les sites québécois, puis anglo-saxons, nous ont aidé à dédramatiser la maladie, axés comme ils le sont sur un chemin plus pragmatique, solidaire.
Par contre, j’ai beaucoup de mal à adhérer à tout ce qui met en cause seulement la culpabilité parentale (souffrance+souffrance) ou celle de la société. Bien que les deux facteurs me paraissent très importants (le stress parental est reconnu comme aggravant et notre société est tellement perfectible, c’est un euphémisme !)…
Noas l’a dit : les théories de Bettelheim sur l’autisme (la faute de la mère) ont fait des ravages dans les familles, le courant antipsychiatrique n’a pas non plus renforcé l’alliance thérapeutique (Ah, ce regard des médecins psy sur mes parents lors d’entretiens au sujet de mon frère schizo, il y a 30 ans…Plus culpabilisateur, tu meurs !).
Je crois que face à de tels désordres neurologiques (avez-vous lu le n° spécial de la revue « Cerveau et psycho » de juillet/août 2003 sur la schizophrénie et Pour la science n° 316 - février 2004?), nous avons, dans l’inconnu que nous sommes, tendance à vouloir apporter des réponses à notre portée : psychologiques, sociétales…qui ont leur importance mais qui font figure, à mon sens, de cautères sur des jambes de bois.
Je vous laisse, chère Misty, avec ces quelques principes découverts grâce à un ami-parent. Ils semblent plein de bon sens.
Bon courage à nous tous (m’en vais de ce pas apporter un petit chaton à notre fils qui le réclame depuis longtemps et qui retombe en déprime depuis quelques jours, incapable de sortir, nous appelant 10 fois par jour…)
Marion
14 principes pour " faire face "
Ken Alexander (1995), docteur et chercheur australien, père d’un enfant psychotique, a mené une étude sur la schizophrénie. Son étude a donné lieu à un ouvrage. Voici les 14 principes qu’il conseille d’adopter aux proches des personnes malades.
1.Sachez que la schizophrénie n’est pas une maladie rare. Elle paraît l’être mais c’est parce qu’on n'en parle pas. Même au sein de la population australienne pourtant réduite, il y a environ un demi million de gens, qui comme vous et moi, devront faire face à la maladie dans leur famille immédiate.
2.Apprenez autant de choses que vous le pouvez, aussi vite que vous le pouvez à propos de la schizophrénie : ses causes, son évolution, son devenir.
3.Prenez garde aux ravages de la culpabilisation. Ils peuvent détruire vos chances de faire face, pour toujours. Ils peuvent vous détruire. Eradiquez-les grâce aux connaissances nouvelles qui vous montrent que la cause de la schizophrénie ne réside pas dans les proches.
4.Recherchez des soignants qui soient efficaces. Choisissez-les en fonction de leur nature compatissante, de leur capacité à informer, de leur vif désir de vous prendre comme allié, et de leur aptitude à s’assurer que vous recevez une formation assez complète pour comprendre la schizophrénie et l’affronter.
5.Contactez un " groupe de paroles " de familles confrontées à la schizophrénie.
6.Acceptez qu’avec une maladie aussi complexe que la schizophrénie, nos réactions naturelles instinctives se révèlent souvent être un guide peu fiable pour affronter cette maladie et s’occuper du malade. Nous, les proches, avons besoin de formation.
7.Apprenez à connaître les origines de la pression, cette pression toujours grandissante à laquelle nous, les proches, sommes sujets.
8.Prêtez une grande attention aux besoins des autres membres de la famille.
9.Prenez garde que le sacrifice personnel sans limite et inconditionnel au profit d’une personne atteinte de schizophrénie est fatal à l’efficacité des soins et de l’aide.
10.Soyez conscients que passer beaucoup de temps avec une personne atteinte de schizophrénie peut faire empirer la situation.
11.Maintenez et établissez des relations amicales, des activités et des loisirs, particulièrement ceux qui vous tiennent loin de chez vous.
12.Recherchez une indépendance appropriée pour votre proche et vous-même.
13.Ne soyez pas surpris de découvrir que finalement, c’est cette capacité à changer, à regarder les choses différemment, qui distingue les proches qui arriveront à faire face de ceux qui ne le pourront pas.
14.Prenez bien soin de vous.