"La vie est difficile et c'est pour cela qu'il faut l'aimer", Rainer Maria Rilke dans "Lettre à un jeune poète.
Bonjour,
Comme vous,
j'aime un homme schizophrène de 32 ans. Depuis 2 ans , je me suis installée avec lui près de Paris et j'ai beaucoup réfléchi et combattu avant de vivre avec lui.
Nous avons la chance de nous aimer très fort, mais cette maladie est particulièrement lourde et imprévisible.
Je conseille à toute personne aimant un schizophrène d'être très entourée et de prendre bcp de recul s'il refuse de se soigner, car une crise - si le patient n'est pas suivi médicalement - peut être terrible.
Mon ami et moi avons la chance d'être croyants (bouddhistes) et de nous être battus pour rencontrer le meilleur médecin et le meilleur traitement pour sa vie. Après avoir contacté près de 20 à 30 médecins différents sur Paris, qui pour bcp refusaient de suivre mon ami, nous avons enfin rencontré l'un des plus grands spécialistes de la psychose.
Il se nomme Salomon Resnik, accueille très peu de patients, mais a en tout cas a écrit de très bons livres qui expliquent très bien la maladie comme "Le temps des glaciations".
Il faut savoir que le propre d'un schizophrene est de se croire supérieur à la médecine et à sa maladie, et qu'une personne qui vit cela sera souvent amenée à refuser son traitement et à avoir des pensées parfois parano. sur son médecin. C'est une chose malheuresement normale qu'il réagisse ainsi. Il vous faut être persévérante et ne pas lacher, trouver les meilleurs arguments pour le convaincre du bien fondé d'un suivi psy. Lui dire que tout le monde voit des psys, que plein de gens en FRance prennent des médicaments pour leur moral (40 % d'anti-dépresseurs je crois !) qu'il y a vraiment des médecins extraordianires qui veulent son bonheur. Que les nouveuax anti-psychotiques sont aujourd'hui très bons, très performants et moins lourds et dosés qu'avant... Si vous avez le temps, essayez de lire les lettres d'Antonin Artaud parues en livre qui parlent de la douleur qu'il a quand il n'a pas asssez de médicaments pour tenir et que malgré son génie et sa force d'artiste, il supplie son médecin de lui donner des médicaments pour appaiser ses angoisses liés à sa psychose et qui le paralyse de douleur... Ce sont de superbes écrits très profonds qui nous font mieux comprendre ce que vit un schizophrène !
Il se trouve que lorsque l'on rencontre enfin un psychanalyste à la hauteur, le patient peut comme par hasard retrouver confiance en la médecine et en lui-même. Mon ami va bcp mieux et son état s'est nettement amélioré, car son médecin croit en sa "guérison", sa rémission et prend du temps à l'écouter (Au moins 1 à 2 heures par semaine en 2 séances). Il faut refuser les médecins qui consultent moins de 20/30 mn et donne juste des médicaments, c'est mauvais signe !) Après une crise très douloureuse pour lui et moi, Olivier a enfin accepté un nouveau traitement médicamenteux adapté et a repris un travail. Après trois internements psy, le dernier en 1999, il n'en a plus du tout eu. Un belle victoire alors qu'il y allait presque tous les ans depuis sa 1ère crise en 1996.
Pour vivre et aimer à un schizophrène, il faut être très forte, capable tour à tour d'être amante, mère, amie et "psychothérapeute"...
C'est une obligation pour quitter la souffrance. Il faut pouvoir aimer et en même temps se distancier quand la personne "délire" et s'isole des autres. Sachez que chaque phrase que vous dites dans certains moments sont presque "inutiles". S'ils partent dans leur système de pensée, ils peuvent y rester un certain temps et là ils entrent dans un autre monde avec leur logique propre.
Mais, je suis sure que l'amour peut venir à bout de tout cela. Il lui faut bcp d'amour, un entourage d'amis ou une famille très soudée et affecteuses car ces sujets ont besoin d'énormément de soutien et de compréhension.
Il faut régulièrement pardonner, soutenir et s'oublier parfois. Essayez de "l'obliger" en douceur mais avec fermeté à sortir, à voir du monde, l'air de rien. Chaque fois que je l'ai fait, mon ami criait, refusait, puis une fois dans le foule ou avec des amis, il se détendait peu à peu. Il a fini par s'ouvrir, par mieux accepter... Il faut absolument que vous vous distanciez de sa possible colère. Ils sont très intelligents mais aussi hyper sensibles, c'est comme s'ils avaient de petites antennes à partir desquelles les conflits et la souffrance du monde leurs parvenaient en plein coeur.
Lorsqu'ils crient ou s'énervent, c'est plus un combat contre eux-même et en opposition à la souffrance du monde, qu'ils mênent. Ce n'est finalement ABSOLUMENT PAS A VOUS qu'ils en veulent et qu'ils s'en prennent. Pour vivre en harmonie avec lui, il vous faudra d'une manière ou d'une autre apprendre à vous renforcer et TRAVAILLER SUR UNE SAGESSE A TOUTE EPREUVE. Je me rends compte aujourd'hui comme mon ami m'a permis de grandir, de me renforcer, et il me donne bcp de reconnaissance et d'amour aujourd'hui. Je n'ai jamais vécu un si grand et un si beau amour. Alors, tenez-bon et gardez courage. Mais, si votre ami, au bout de plusieurs mois refuse tout traitement alors qu'il souffre, vous risquez d'énormément souffrir avec lui. Il faut être courageux et bienveillant mais ne pas tomber dans l'abnégation et le masochisme. C'est aussi très bon signe que votre ami puisse travailler, donc vivre en "harmonie" avec la société d'une certaine manière. Peut-être sa schizophrénie est-elle assez légère. Il y a plein de formes différentes, plus ou moins lourdes.
En tous les cas, selon moi un suivi psychiatrique régulier s'impose quand il sera prêt. Il faut qu'il décide d'être heureux et de lester peu à peu le plus de souffrance possible.
Il est reconnu que les enfants devenus schizophrènes portent beaucoup de souffrances, liées à leur famille. On dit aussi qu'ils sont le paratonnerre d'une famille qui aurait caché pdt des générations et des générations de lourds non-dits, mais les théories là-dessus sont encore divergentes. Pour s'en sortir, il faut d'une manière ou d'une autre crever l'abcès et parler de cette souffrance trop lourde à porter à un spécialiste.
Voilà pour mes conseils. Je peux dire que si c'était à refaire, je revivrais avec l'homme que j'aime, parce qu'il a par ailleurs énormément de qualités.
N'écoutez pas trop vos proches et certains médecins trop négatifs. J'ai essayé de suivre ma propre voie et je refuse que l'on me dise de quitter mon ami parce qu'il a un "handicap mental" lourd. Dans ce cas, il faudrait dire a toutes les femmes qui ont un mari handicapé (sourd, aveugle, paralysé, un cancer...) qu'elles vont rater leur vie et qu'elles doivent le absolument le quitter. Cela devient du racisme envers les gens plus fragiles qui nous entourent. Gardez toujours confiance en ce que dit votre coeur et restez malgré tout sage et exigeante. C'est-à-dire parvenez à respecter votre vie comme vous respectez celle de celui que vous aimez. Car la sagesse est l'arme la plus forte avec l'amour contre, la folie.. et contre les larmes.
Avec mon plus profond respect. A bientôt.
Je me permets de vous livrer tout cela car j'ai bcp "lu et vécu" sur la question.
Mélina