Bonjour hathor et à tous,Si vous avez pu penser que je refusais des explications, vous vous trompiez, que pensez-vous que je fais ici? Pourquoi fait-on appel ici ou là à du non-dit. Le non-dit c'est du supposé. Je veux bien répondre de ce que je dis mais pas de ce qu'on suppose que je ne dis pas ou de ce qu'on suppose que je refuse.
Hathor, Charly, Isabelle, Ml1 ou Laurence2, je ne veux pas ignorer les difficultés que vous avez éprouvé avec vos parents respectifs, ce que vous en pensez vous appartient et ça n'est pas discutable et surtout par quelqu'un comme moi qui n'ai pas vécu quelque chose d'analogue avec mes enfants. C'est infiniment regrettable que certains parents ne se rendent pas compte qu'ils font du mal à leurs enfants. Et moi qui vous parle, en père lambda, ni meilleur ni pire qu'un autre, il est probable qu'à certains moments j'ai dû leur faire du mal aussi, sans en avoir conscience mais il est probable aussi, du moins je l'espère, que ce mal n'a pas dû dépasser certaines limites, disons normales, faute de savoir le dire autrement. Mais sur mes trois enfants, ayant vécu dans le même cadre familial, il y a eu un schizophrène, pas trois, çà c'est banal, c'est l'expérience de beaucoup de parents.
Mon fils Guiv, atteint de schizophrénie, m'a reproché d'aimer mieux ses soeurs que lui et à l'appui de ce reproche il me donnait un exemple d'une circonstance ou d'une autre dont je n'avais même plus l'ombre d'un souvenir. Guiv, dans le mythe qu'il vivait et dont il souffrait, ne me reconnaissait plus comme son père, à la suite d'une greffe cardiaque qu'a subi sa jeune soeur il a fini par dire qu'elle aussi on l'avait changée et qu'elle n'était plus sa soeur, que les extraterrestres qui petit à petit prenaient possession de la terre installaient des sosies partout. On lisait dans ses pensées, on voulait lui voler son cerveau, les gens se transformaient sous son regard. A certains moments, il entendait des voix aussi...j'ai vraiment eu l'impression que mon pauvre Guiv, il avait "ramassé" la totale.
Je sais l'histoire de parents, dit normaux (?), qui se sont déchirés en utilisant leurs enfants ; ça me paraît monstrueux, je ne peux même pas comprendre comment c'est possible. Et ces enfants là ont été profondément perturbés mais ils ne sont pas devenus schizophrènes...
Je n'ai vécu comme parents face à mon fils atteint de schizophrénie que trois ans et demi, c'est court 3 ans pour prendre la mesure de la maladie, de ce qu'il faut faire et d'apprendre à comprendre l'autre, pour trouver une attitude secourable, et utile. Un parent qui se trouve confronté à cela , du jour au lendemain, c'est comme si le ciel lui tombait sur la tête, il n'y avait jamais pensé, il n'avait même pas pensé vraiment ce que ça représentait, "La schizophrénie ? c'est bien connu, c'est un dédoublement de la personnalité ; vous en connaissez vous des gens comme çà ?"
Il faut croire que c'etait pourtant encore bien trop long pour lui, puisqu'il a préféré mettre fin à sa vie et à sa souffrance, pour moi inimaginables.
Je n'ai pas su en si peu de temps engager un dialogue avec lui ; je n'ai jamais vraiment osé parler de ce qu'il éprouvait, en particulier quand il était très mal, quand il avait un regard noir, profond presque halluciné ; çà me faisait souffrir au point de rester comme paralysé tellement j'étais mal à l'aise.
Aujourd'hui, je crois que je saurais le faire.
Il est resté plusieurs mois en refusant de prendre des médicaments ; son studio dans la vieille ville était dans un état inimaginable ; le médecin généraliste que j'avais pu amener auprès de lui à un moment donné pour essayer de le persuader m'a dit : "Je n'avais jamais vu cela de ma vie".
Lorsque Guiv a mis fin a sa vie, il a voulu que ce soit moi, qui le trouve, il a préparé sa mort méticuleusement, il m'a appelé au téléphone par, deux fois, à Paris pour être sûr que je serai bien à Montpellier au jour dit, celui qu'il avait choisi : sa voix était d'un calme qui m'a semblé absolu. Pauvre enfant, je t'admire et je le dis publiquement.
C'est ce que tu as souffert, abandonné par tout ceux qui auraient dû savoir, qui guide mon action aujourd'hui.
Mais pardonnez moi, si vous voulez, je ne me sens pas coupable et mes filles non plus, autant que je sais.
Le jour où je suis descendu par le train pour le retrouver j'ai lu dans le journal un article sur le cinéaste iranien Kiarostami, du pays de sa maman et Kiarostami citait Montaigne :
"Il est incertain où la mort nous attende,
"Attendons la par tout.
"La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.
"Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.
"Le savoir mourir nous affranchit de toute subjection et contrainte.
Je ne savais pas ce qui m'attendait, mais ce sont cette citation de Montaigne et le calme de la voix de Guiv qui m'ont fait accepter sa mort.
Maintenant les articles de mon credo sont très simples :
Premièrement, accès aux soins ;
deuxièmement , accès aux soins ;
troisièmement, accès aux soins.
Prenez le problème comme vous voudrez, le salut des schizophrènes est lié à cela. Tout ce qui s'oppose à cela est inconscient, malveillant ou criminel.
Bon dimanche à tous.
misset