Bonjour Rémi,Je crois que tu meurres un peu quand tu écris parce que tu te donnes, alors pour revivre un peu tu dois recevoir. Reçois mon merci pour la qualité et la beauté de tes textes.
Je ne sais pas à quel point les contraires sont décalés pour les schizos, ce que tu me dis me fait penser à mon fils Denez : ce petit choux voit au delà du plaisir de l'instant et je suis souvent amenée à deviner ce qui le tracasse et à trouver quelque chose de beau, de doux, de rassurant pour chasser ses angoisses.
Ex : il a eu le château d'Harry Potter pour Noël, j'étais toute contente parce que j'ai dû emprunter pour y arriver et qu'il était vraiment content ou ouvrant son paquet. L'autre soir, il était au lit, avec un regard très triste et très grave (il n'a que 4 ans tout de même), il n'a rien dit quand je l'ai interrogé pour savoir ce qui n'allait pas, mais il a commencé à se détendre quand je lui ai dit que le papa et la maman de Denez sont là et bien vivants. Est-ce à ce genre de choses que tu fais allusion ? Ca m'intéresse vraiment de le savoir parce que mon petit bonhomme réagit très souvent comme ça et que je ne sais pas si c'est normal pour un enfant ou s'il est trop sensible.
Bonjour Charly,
Merci pour t'es renseignements sur la pathologie de mon ami, grace à tes propos je crois que je comprends ce qui me bloque et que mon ami a pourtant essayé souvent de m'expliquer : tout à coup, il ne se sent pas bien du tout et ne sait pas pourquoi. Moi quand je me sens mal, je sais pourquoi mais les autres autour de moi ne réagissent pas et disent que je suis déprimée sans raison, alors je mélangeais tout. Je me disais que mes raisons étaient de fausses raisons et que lui était simplement plus raisonnable que moi. Cela pourrait vouloir dire que l'origine de son mal être est plutôt organique : il me l'a dit et je ne le croyais pas non plus, un peu comme le diabète.
Ce que tu expliques pour les schizos se passe de la même façon pour les doués : notre éducation crée un décalage entre notre sensibilité et notre capacité à faire face aux coups durs de la vie. Mais d'après ce que j'ai pu comprendre à la lecture du livre d'Arielle Adda, le décalage viendrait essentiellement du sabordage de la confiance en nous (pour les doués) dans un environnement où les adultes ne donnent pas de réponses à nos interrogations : nous réalisons que nous sommes seuls à un âge où il est nécessaire d'être entourés et nous préférons nous saborder (nier notre différence) plutôt que de faire face à cette souffrance. Plus nous grandissons, plus le décalage entre ce que nous sommes (intelligents, sensibles) et ce que nous voudrions être (ordinaires) pour plaire à nos parents nous déséquilibre. (Pour ne pas me mettre à dos tous les parents de doués et de schizos, je tiens à préciser que beaucoup d'enfants doués sont très heureux dans leur famille et réussissent très bien leur vie). Quant à savoir comment les doués font pour remonter la pente, la réponse de ma psy est plutôt simplette à mon avis : "c'est justement parce que tu remontes la pente toute seule que tu n'es pas schizos" merci Madame la Palice. Et toi, as tu une réponse ?
Pour l'autre partie de ton intervention. Les génies ne sont pas tous schizos, je le pense et je prends Léonard de Vinci comme exemple. Il est reconnu surdoué aujourd'hui, n'empêche qu'il était très certainement considéré comme bizarre à son époque. Bon, imagine que j'aille voir mon psy et que je lui raconte que j'ai trouvé un moyen d'aller sur la Lune en 2 heures (je fais exprès de prendre un exemple délirant), il y a des chances qu'il me juge un peu partie... Maintenant, si j'arrive chez Dassault et que je lui propose des plans avec essais filmés, d'un engin capable de faire ça, il va me demander combien j'en veux. Qu'en penses-tu ?
Quand on connaît bien le parcours de Léonard de Vinci, il n'a pas fait que des plans de machines réalisables, il n'a pas fait que des découvertes biologiques prouvées depuis. ll a également fait énormément de suppositions sur Dieu avec le même sérieux et la même passion que pour le reste et certaines de ses idées pourraient sembler schizos à nos psy. Alors je crois que la question est : qu'est-ce qui fait que lui est resté équilibré et qu'il a su mettre toute sa sensibilité et son imaginaire au profit de l'humanité et que nous, on y arrive pas ?
Troisième volet de ton intervention : "les coups nous fragilisent et non nous renforcent". Juste un truc : je ne crois pas que les parents couvent trop, à mon avis c'est une autre façon de ne pas vouloir voir (ça n'engage que moi). Pour le coup, j'ai l'occasion d'amener mes considérations métaphysiques : le Dalaï Lama dit qu'"il faut apprendre à regarder d'où viennent les mauvais coups et où ils vont". Il dit ainsi qu'"il n'est pas approprié de souffrir pour les autres tant que nous ne sommes pas capables de leur envoyer notre compassion. Ca ne veut pas dire qu'il faut être indifférent, juste qu'il faut faire la part des choses pour se protéger". Bon, d'accord je n'apporte pas beaucoup d'eau à ton moulin. J'ai mis des années à comprendre ces quelques phrases. Maintenant j'essaye de l'appliquer : le fait de réfléchir aide déjà à ne pas sombrer. C'est de plus en plus facile avec les coups dur qui me sont vraiment étrangers, et pour ceux qui me concernent, j'arrive à les ramener à leurs justes proportions. C'est plus long mais je trouve que cette technique me convient beaucoup mieux que le traditionnel : "essaye de ne pas trop y penser" auquel je n'arrivais pas du tout à me résoudre et qui m'enfonçait car je n'arrivais pas à oublier. Maintenant, j'y pense, avec difficulté parfois (c'est là que je crois que vous avez besoin de vos médicaments), je prends le temps qu'il faut, je laisse en suspens quand c'est trop dur, et j'y reviens quand c'est supportable.
Enfin, je ne prétendrai pas que je détiens une vérité quelconque par rapport à toi mais il me semble que ce genre de phrases (celle du Dalaï Lama) m'apporte autant que ma psychothérapie.
A bientôt
Sophie