Bonjour à tous !Nous avons découvert votre forum il y a deux mois et sommes impressionnés par la qualité des échanges. Reconnaissants aussi d’y découvrir une mine d’informations en tout genres et plus que cela : du réconfort…
Nous vous livrons ici un autre témoignage de parents :
Notre fils qui vient d’avoir 19 ans est reconnu comme schizophrène depuis 3 mois. Encore une fois, ce fut un long parcours avant d’arriver à cette reconnaissance. Ses « problèmes » sont apparus peu à peu…Rétrospectivement, je dirais depuis la classe de troisième (14 ans) : cannabis, difficultés relationnelles dans la famille, désintérêt scolaire, que du classique à mettre sur le dos de la fameuse crise d’ado…Jusque-là, il était bon élève, joueur d’échecs de haut niveau depuis l’âge de 7 ans (Sa passion. Nous ne jouions pas mais l’accompagnions dans les compétitions dans un esprit de jeu-le milieu est assez malsain à cet égard : parents trop investis). Cette occupation a sans doute masqué quelque peu un mal-être latent : difficultés parfois avec ses amis d’école (jalousie, se posant en victime…), pas avec ses amis d’échecs, ceux qu’ils voyaient le plus souvent. Il était un enfant « difficile », au caractère affirmé, vif, très joueur…Il a abandonné le lycée en terminale ES, il y a un an. Replié sur lui-même, vivant dans sa chambre (caverne), confondant de plus en plus le jour et la nuit, agressif verbalement, tenant des propos mystiques, disant entendre des voix (à deux reprises seulement à ce jour : des rires, pas des propos, pas d’ordres) se plaignant de ses anciens camarades qui le traitaient de « gogol »…Victime et-ou acteur de quelques escroqueries mineures pour se pourvoir en H. Il a abandonné aussi le club d’échecs. Nous l’avons accompagné voir un psy de CMPP en septembre qui l’a déclaré indemne de tout troubles psy…Nous étions rassurés mais notre fils qui devait le voir régulièrement ne l’a pas fait.
En avril dernier, nous avons dû recourir à une HDT pour une première hospitalisation d’urgence. Le même psy évoque la maladie mentale. Le chef de service, 15 jours plus tard au sortir de l’hospitalisation, parle d’un « long chemin » en perspective…Nous sommes des parents très demandeurs, conscients du facteur génétique (oncle décédé schizo., tante et grand-mère maniaco-dépressifs), prêts à entendre les médecins et désireux de travailler avec eux. Le chef de service propose l’hôpital de jour, notre fils refuse (« je ne veux pas me retrouver avec des « gogols », « ils me font peur »). Devant ce refus, il est proposé un psy de ville une fois par semaine et le psy de CMPP une fois tous les 15 jours…Notre fils sort avec du Zyprexa 10 mmg.
Nous travaillons tous les deux et répartissons notre temps avec lui à la maison. Il semble mieux mais a du mal à sortir (peur), donc à trouver un petit job d’été, comme nous lui proposons…En fait, à cette époque, nous misions (espérions) toujours sur des difficultés psy à versant bi-polaire (Mais il avait tt-de-même un antipsychoSique…). Son père l’incite à se remuer, doute de l’efficacité d’un tel traitement d’autant que le psy CMPP l’arrête au bout d’un mois : Il va beaucoup mieux et a pris beaucoup de poids. Il ne lui laisse qu’un seul antidépresseur (Zoloft). Rechute au bout de 10 jours, il passe au Risperdal 4 mmg + Zoloft + Témesta…Toujours pas de diagnostic…
Nous réalisons au bout de 2 mois et demi que le psy de ville ne connaissait qu’une partie du traitement de notre fils (ne savait pas qu’il prenait du Zoloft.), et que le chef de service croyait qu’il prenait toujours du Zyprexa Ils étaient supposés travailler en réseau…Par ailleurs le psy de CMPP nous incitait à « secouer » notre fils alors que le psy de ville nous disait de façon laconique et en sa présence « IL ne fera pas de rentrée scolaire » (Notre fils venait de s’inscrire en redoublement de terminale ES, avec détermination et la joie d’y retrouver un bon ami).
Je vous laisse imaginer le désarroi dans lequel nous étions plongés : conscients des médicaments que prenait notre fils (médecins dans la famille et surtout internet), de son mal-être continu, de ses interrogations « Suis-je schizo ? Maniaco-dépressif ?… », des réponses contradictoires des médecins…Ou plutôt des non-réponses…
Notre fils fait un mois de rentrée mais abandonne. Il reste à la maison, à regarder la télévision et jouer aux échecs sur le net. Le soir, il rejoint un ou deux amis pour fumer…A cet égard, nous avions eu depuis le début de son adolescence une attitude , je le crois, ouverte mais où figurait l’interdiction d’en fumer à la maison et en tout cas de tout trafic. Puis, les choses se dégradant (trafic et mauvais produits), nous avons accédé à la demande d’une plante à la maison quelques temps…Puis la maladie se déclarant, nous lui avons exprimé notre inquiétude par rapport aux effets ravageurs bien qu’apaisants, sans doute) du H. sur un cerveau fragile…En effet, au retour de ses virées de H., il était toujours plus agressif et troublé….
Là aussi nous avons dû faire face à des discours contradictoires : certains psys faisant même part de leur propre expérience à notre fils ou certains services de secours venus à la maison lui disant « Nous, on fume pour tenir le coup…Ce n’est pas mauvais et puis arrête de prendre ces cochonneries de médicaments qui te rendent encore plus malade. Trouve-toi un boulot et une petite copine, tu verras, ça ira mieux… »
Nous voyions bien que notre fils n’allait pas mieux et les médecins ne nous avaient toujours pas donné de diagnostic.
Il a fallu aller en voir un autre dans une autre grande ville pour obtenir un début de confirmation à nos doutes…Et c’est notre fils qui, en nous conviant à regarder avec lui une émission de TV « Ca se discute » sur la schizophrénie, nous a amenés sur le chemin de la reconnaissance.
Néanmoins, il allait toujours mal (très anxieux, sortant de moins en moins), pensait pouvoir rester à la maison comme cela et fumer un joint ou deux par jour…Puis le psy de CMPP a décidé de ne plus le suivre, trouvant notre attitude rebelle, déstabilisante pour notre fils, s’inquiétant qu’on puisse ne pas lui faire suivre son traitement alors que nous le persuadions du contraire.
Nous avons alors rencontré un autre psy, à l’écoute cette fois, proposant un autre traitement à notre fils : Haldol + Tercian + Anafranil. Notre fils était heureux de changer car il avait le sentiment que le Risperdal ne lui apportait rien. Mais ce nouveau traitement ne s’avérera pas meilleur : Il est de plus en plus angoissé, prostré à la maison. Nous lui proposons un séjour en clinique (milieu ouvert), d’où il fuguera 2 fois les deux premiers jours pour finalement recourir à une nouvelle HDT en milieu hospitalier…
L’occasion pour nous de revoir les médecins du début dont celui qui avait refusé de continuer à suivre notre fils, de leur dire à quel point nous avions le sentiment de ne pas avoir été soutenus dans ces huit derniers mois :
Face à notre demande, il aurait convenu d’évaluer ensemble l’évolution probable d’un diagnostic, d’expliquer les différents traitements et pour cela d’être plus attentif au vécu quotidien tel que nous pouvions le rapporter, quitte-nous le pensons a posteriori-à prendre les parents à part quelquefois, si peur de « dire » devant notre fils. Mais celui-ci était, encore une fois, lui-même demandeur…Toutes ces incertitudes, ces précautions, ces non-dits ont été dévastateurs. Heureusement que nous étions fortement solidaires sinon la famille aurait vite implosé ! Quand, au bout de plusieurs mois de non-amélioration avec le Risperdal + Zoloft, nous tentions de téléphoner au médecin de CMPP (comme lui-même l’avait suggéré) entre 2 R-V (espacés de 15 jours) pour lui dire l’angoisse et la dépression profonde que vivait notre fils au quotidien (pendant les entretiens, ce dernier déployait parfois des trésors d’énergie pour ne pas dire son mal-être - Peur d’ aller en unité de soins ? De ne plus pouvoir fumer ?… ) Le médecin nous accusait de harcèlement, de non-respect des prescriptions (alors que nous l’assurions du contraire) et de l’inadéquation d’une hospitalisation…
Bref, ce fut difficile à dire devant cet aréopage de médecins : le sentiment d’un échec, retour à la case départ, d’un manque de concertation, encore une fois, de travail en réseau, de confiance réciproque…Ah ce regard médical campé sur des prescriptions sans appel !…
On nous demande notre confiance, soit.
Notre fils passera une semaine à la « loge » (milieu fermé), puis en milieu ouvert trois semaines. Il en ressort avec du Loxapac 100 mmg.
On lui propose, à la sortie, une fois de plus, l’hôpital de jour dirigé par le même médecin (de ville) que notre fils avait quitté quelques mois plus tôt (celui qui jouait la reconnaissance de diagnostic aux devinettes « De toute façon, IL ne fera pas de rentrée scolaire » en sa présence et la nôtre…). Notre fils décline la proposition et demande à retourner dans la clinique de départ, en période transitoire, avant d’aller dans une structure de soins pour jeunes où il espère –et nous aussi- pouvoir réapprendre à vivre avec d’autres dans une perspective de reconstruction personnelle pour ensuite faire des projets de vie en relative autonomie (On y pratique notamment la psychothérapie institutionnelle). Ce projet dont nous lui avions parlé le motive (retrouver d’autres jeunes, acquérir des notions pour se réinsérer dans un parcours social, y suivre des conseils diététiques pour retrouver une image gratifiante de lui-même …). L’hôpital, lui, juge ces structures sans interêt.
Pour l’heure, il retrouve le moral à la clinique dans cette attente. Il s’ouvre aux autres, reparle spontanément …Il est vrai aussi qu’on a écouté sa déprime en ajoutant un antidépresseur (Anafranil 25 mmg), au Loxapac 100 mmg. Il dit ne plus fumer (H.), s’être débarrassé de cette « saloperie »…( ?…)
Pour nous, ses parents, une nouvelle ère commence :
Le sentir plus heureux nous réjouit, bien-sûr, de même que de le savoir suivi par un psy qui l’écoute et nous ECOUTE nous aussi, ses parents, mais nous avons du mal à le reconnaître : très gentil, docile, maniable, ralenti…
Comment être nous-mêmes, avec un autre qui, bien-sûr, est notre fils ? Pour le soutenir toujours au plus près .
Les démarches ont été faites auprès de la COTOREP, avec son accord. C’est encore une étape, et nous avons trouvé à ce moment-là soutien et aides concrètes de la section départementale de l’ UNAFAM .
Restera-t-il soumis à ce même traitement ad vitam aeternam ? A ce dosage qui, visiblement, oblitère ses facultés cognitives ? S’agit-il de lésions cérébrales ? ou de désorganisation temporaire ? Pourra-t-il un jour reprendre des études ?
Fallait-il forcément en passer par cette deuxième hospitalisation pour adapter le traitement ?
Comment se fait-il que certains psys soient si réticents à une psychothérapie de soutien au malade ?
Pourquoi ce regard si fréquemment culpabilisant sur les parents ?
Ne pourrait-on envisager comme dans certains pays (Grande-Bretagne) l’intervention de personnes « médiatrices » ?
Pourquoi l’UNAFAM ou d’autres associations sont-elles si mal perçues auprès des hôpitaux publics ?
Et tant d’autres questions, vous l’imaginez…Cette missive est sans doute longue et narrative. Merci en retour d’établir le dialogue et de nourrir les réflexions…