Bonjour Pierre,Le fait que tu n'ais pas remarqué ou plutot voulu remarquer l'alcoolo-dépendance (je préfère ce mot à alcoolisme surtout pour une femme) de ton épouse s'appelle la co-dépendance ou co-alcoolisme. Il arrive très fréquement que l'entourage d'une personne qui boit et surtout quand il s'agit d'une femme par peur du 'quand dira-t-on' cache le problème à l'extérieur de la cellule familiale. Ce mécanisme prend parfois des proportions importantes au point que l'on fini par ce le cacher à soi-même et par la on devient en quelque sorte complice.
Maintenant, suite à l'aveu de ton épouse tu réagis et c'est très bien, de ta part comme de la sienne. L'aveu à l'autre et par la à soi-même est la première étape et la plus importante vers la guérison.
Oui j'utilise volontairement le mot guérison bien qu'il soit très controversé. C'est vrai que médicalement parlant la guérison d'une quelconque forme de dépendance n'existe pas. Elle restera inscrite à l'état dormant dans nos neurones pour le restant de nos jours et un nouveau contact avec le produit réactivera tout le mécanisme de sur-consommation, souvent de plus belle.
Pourtant, le mot guérison me semble plus optimiste que tout autre au moins au début si le malade prend conscience qu'il ne faudra plus jamais retoucher au produit. J'utilise souvent l'analogie de la personne allergique aux fraises : quand elle en consomme, elle attrape de l'urticaire et peut faire une réaction allergique violente (choc anaphylactique), mais si elle cesse d'en consommer, son mal disparait et elle se dit guérie bien qu'elle restera allergique toujours.
Aussi, il est selon moi très important et tu en as l'intention c'est très bien, d'aider ton épouse, toi même et vos enfants aussi avec beaucoup d'amour et de patience, car de l'alcool on en souffre en famille mais on en guérit en famille.
Enfin, sachant que l'alcoolo-dépendance est une maladie bio-psycho-sociale, il me semble sur base de mon expérience de plusieurs années au contact des malades dépendants et de mon propre vécu qu'il faut dans l'ordre :
0) (oui je suis aussi informaticien) Entourer, informer, motiver, déculpabiliser et responsabiliser le malade. C'est un travail d'équipe ou l'entourage, le médecin de famille, un alcoologue, un psy, et les mouvements d'anciens buveurs jouent un role important chacun à leur niveau. J'insiste souvent sur l'aide des anciens buveurs car ils ont eux (et j'en suis) une expérience du vécu de la maladie contrairement à tous les autres acteurs qui n'ont qu'une approche scientifique ou livresque.
Ici on travaile déja les aspects PSYCHO et SOCIAL de la maladie.
1) Procéder à un sevrage physique qui a pour but de mettre fin à la dépendance physique (l'aspect BIO - le corps réclamme de l'alcool); Cela dure de 5 à 10 jours normalement et idéalement doit se faire dans un hopital généraliste afin de prévenir les phénomènes parfois gravissimes du manque (délirium trémens, hypothermie, hypotension,hypernervosité,dépression,...).
Durant cette phase on procèdera aussi à un check-up complet afin de détecter les possibles dégats physiques de l'alcoolisation et de les corriger.
Ici l'acteur principal sera un médecin alcoologue voir gastro ou neurologue et (j'ignore ce qu'est un médecin principal car belge) l'accès au spécialiste et à l'hopital peut se faire par le médecin de famille.
2) Entamer un processus de sevrage psychologique qui peut déja débuter durant les phases précédentes. Ici il faudra que le malade procède à un travail d'analyse sur lui-même, sur la façon dont il voit le monde, sur l'impact qu'a son contexte de vie sur sa consommation et sa relation intime avec le produit. Cette phase peut durer longtemps et se fera avec l'aide de psy, d'anciens buveurs, de l'entourage et toujours du médecin alcoologue et/ou de famille, ou avec un sous-ensemble de ces disciplines.
L'accompagnement d'anciens buveurs est ici aussi fondamental me semble-il afin de redonner confiance, fierté et amour propre au malade, chose que souvent il a complètement perdu durant son alcoolisation.
La dépression est souvent co-existante à cette phase avec des hauts et des bas et elle devra le cas échéant être traitée aussi. Il faut savoir que l'alcool est un déprimant contrairement à ce que l'on croit généralement et le manque d'alcool peut aussi raviver, déclancher ou entretenir une dépression concomitante.
Cette phase donc à pour but de s'adresser en profondeur aux aspects PSYCHO et SOCIAL de la maladie afin que le malade passe du "je ne PEUX plus" au "je ne VEUX plus" boire, un lettre de différence, mais quelle différence.
3) Je recommande aussi après et pendant la phase 2) de continuer sur le long terme à fréquenter des réunions d'anciens buveurs (en couple/famille c'est encore mieux) afin d'entretenir la détermination qui si elle se fatigue ou s'oublie risque d'amener le malade à la rechute. Ici on apprend ou réapprend à vivre sans alcool et surtout par son propre témoignage envers de nouveaux malades on passe de "malade" soi-même à l'état de "soignant" ce qui à comme double effet d'aider les autres et d'entretenir sa propre conviction à l'abstinance totale et définitive.
Voila j'espère que ce n'était pas trop long et que le mécanisme est assez clair. A propos, "l'abstinance totale et définitive" n'est pas une condamnation à ne plus jamais boire mais au contraire une libération de l'esclavage à l'alcool. Selon le professeur Fouquet, l'alcoolisme c'est "la perte de la liberté de s'abstenir de boire" de l'alcool !
Jean http://users.skynet.be/alcoolisme