Modifié le 21-04-04 à 20:51 (GMT)Cet article sur l'alcoolisme féminin me semble interessant pour bien comprendre la perception sur le plan social de l'alcool au féminin et au masculin. En résumé, pas de différences avec les hommes sur l'évolution vers la dépendance mais des différences sur la façon de consommer bien que de plus en plus similaires, des différences sur la perception sur le plan social et sur les effets phyiologiques, le voici :
"On parle souvent d’alcoolisme chez les hommes, chez les jeunes, com-ment est perçu l’alcoolisme féminin ? Y a-t-il des différences entre l’alcoolisme masculin et l’alcoolisme féminin ?Dr Marianne Piron-Prunier (Dr M. P.-P.) :
En tant que médecin alcoologue, je per-çois l’alcoolisme chez les femmes de la même manière que l’alcoolisme chez les hommes.
Il y a quelques différences de perception sur le plan social, c’est-à-dire que l’alcoolisme féminin est plus tabou et honteux que chez l’homme, ce qui fait qu’il existe effectivement des diffi-cultés de reconnaissance de l’alcoolis-me chez la femme et de l’accès aux soins pour les femmes qui ressentent le plus les sentiments de culpabilité et de honte à faire une demande d’aide que les hommes.
D’autres points différencient les femmes et les hommes : il y a la fonction maternelle et la féminité ; on associe mal alcool et fonction maternelle, on associe mal alcool et féminité. Cela paraîtpresque incompatible : on va encore plus montrer du doigt une femme qui s’alcoolise, on va encore plus montrer du doigt une femme dégradée par l’alcool,moins maquillée, avec une tenue moins correcte, langage plus désinhibé ; on la montrera du doigt en la traitant de mau-vaise mère, de mauvaise épouse, etc…
D’autres différences de niveau social sont très importantes. Il est vrai aussi que les femmes, depuis longtemps, ont moins la parole que les hommes. Elles s’alcoolisent sûrement plus en cachette et plus de façon solitaire que les hommes qui, eux, ont l’habitude de s’al-cooliser plutôt en groupe, de manière festive, mais je dirai socialement acqui-se dans nos règles sociales.
Il y a aussi des différences sur le plan médical. En France, apparaît une modi-fication de la consommation, notam-ment chez les jeunes. On s’aperçoit que les jeunes femmes et les jeunes hommes ont tendance à boire de plus en plus dela même manière. Il y a réellement une évolution de la prise d’alcool en France,puisque si en quantité, on consomme moins d’alcool qu’il y a dix ans, par contre on observe qu’il existe une consommation plus importante chez lesjeunes. Le mode de consommation est un mode de "défonce" et souvent asso-cié à d’autres types de consommation. L’alcool reste beaucoup plus utilisé chezles jeunes hommes, les jeunes femmes ayant plus recours aux médicaments et au tabac, mais on remarque que la consommation d’alcool chez les jeunes hommes et jeunes femmes, dans la tranche des 15-18 ans, est en train de vraiment se différencier.
Les femmes sont plus sensibles à l’alcool et donc à la maladie que les hommes,parce que l’alcool d’abord se diffuse plus et est plus lentement métabolisé chez la femme. C’est dû à des diffé-rences morphologiques, hormonales,de corpulence, de répartition des graisses et de la masse musculaire.Le fonctionnement du foie n’est pas totalement identique, ce qui fait que les femmes, à quantité égale d’alcool,vont avoir des maladies plus graves comme les cirrhoses. Les trois princi-pales maladies causées par l’alcool,ou plutôt ses conséquences peuvent être classées en :• maladies du foie : très fréquentes chez la femme qui s’alcoolise, sont les cir-rhoses,• complications neurologiques, compli-cations de mœurs,• et tout ce qui est psychoses : troublesdu comportement, dépression, prise dedrogue, sont souvent rencontrées chezles femmes.Ensuite, il y a les complications ORL, de la gorge.
Autrefois, les hommes étaient plus atteints, parce qu’il y avait associa-tion avec le tabac ; mais maintenant les femmes fument presque autant que les hommes.La dépendance chez la femme s’installe beaucoup plus rapidement que chezl’homme, d’où des différences entre les femmes et les hommes par rapport aux attitudes physiques et comportemen-tales devant l’alcool.
J’ai parlé des com-plications liées à la prise d’alcool. Je pense que les femmes et les hommes évoluent vers la dépendance à l’alcool de la même façon, mais à l’origine, ce qui va faire qu’une femme ou qu’un homme va consommer, ce sera proba-blement la même raison et je ne pense pas qu’il y ait de différence sur les causes possibles de l’alcoolisation chez les femmes et les hommes. Ce qui est sûr,c’est que l’alcool est très souvent utilisé comme un traitement à des troubles psy-chologiques, anxiété, dépression, voire des troubles plus graves ; et que, sans doute, les hommes avaient moins de dif-ficultés, dramatisaient moins, parce que cela fait partie de leur culture de verbali-ser oralement et avaient sans doute beaucoup plus recours à l’alcool comme médicament que les femmes.Ceci dit, je pense que c’est à peu près équivalent et très comparable quand on écoute les histoires de personnes quant aux causes de leur alcoolisation."
MédicalRencontre avec une femme médecin-alcoologue