Modifié le 23-01-05 à 13:02 (GMT) Je ne m'attache pas. J'ai une laisse accroché dans mon unique placard et cela fait une éternité qu'elle ne sert plus. Je ne m'attache pas, non! En ville, il m'arrive de croiser un chien tenu en laisse par un maître irrascible alors je me dis que j'ai bien fais, qu'elle est bien là où elle est, cette laisse, dans ce placard qui ne renferme que des choses inutiles qui sentent le moisi, oh oui, j'ai bien fais de l'abandonner dans ce placard, car en serait-il autrement que j'en suis sûr je n'aurais que des regrets, alors "oui" -me dis-je inlassablement- "j'ai bien fais de l'abandonner dans ce placard, oh que oui!". Je ne m'attache pas. Mais un jour une chemise à fleurs s'est attachée à mon dos: qu'auriez-vous fais à ma place? Je n'ai guère eu le choix ou, plutôt, elle ne m'a guère laissé le choix: je l'ai abandonnée dans un lavomatique. Il m'arrive d'écouter de la musique. Des microsillons. Je suis alors assis dans mon fauteuil et les notes défilent comme un armée en campagne. Il y a les fifres et les tambours à l'avant, derrière les bannières et les drapeaux, puis viennent les violons, mais aussi sirupeux et langoureux que puissent être ces derniers je ne m'y attache pas, non, je ne m'y attache pas et, si par le plus grand des malheurs il arrive qu'il en soit autrement, alors vite je me lève de mon fauteuil pour m'en aller changer le disque de face, vite vite je me lève et je vais retourner le disque, je le mets sur la face: B. Hier, dans la rue, un inconnu m'a accosté et m'a affirmé: "Dans pensées il y a panse, il faut donc nourrir ses pensées". Je ne le connaissais ni d'Adam ni d'Eve mais si j'avais eu le choix j'aurais choisi Eve. Je ne m'attache pas, non. C'est la corde qui s'attache au pendu, le gant à la main, la ceinture à la taille, les manies aux vieilles gens, les branches à l'arbre, la misère à l'afrique... Ce sont les taches qui s'attachent! Elles s'attachent à vous et ne vous quittent plus. Comme si elles ne pouvaient plus se passer de vous. J'en ai connu une de celles-ci. Une tache d'encre! Elle s'était si profondémeent incrusté dans mon tablier d'écolier que celui-ci avait fini par devenir "le tablier à la tache". Mais cela date d'il y a si longtemps, cela remonte à tant d'années en arrière que même dans mes plus lointains souvenirs cette tache me parait effacée. Vous rappelez-vous de l'inconnu? Oui, celui qui m'a accosté en m'affirmant: "Dans pensées il y a panse, il faut donc nourrir ses pensées". Et bien figurez-vous que depuis ma rencontre avec cette inconnu je les nourries. Oui, je les nourries! Parfois je leurs donne un os, parfois une aile, parfois une cuisse, parfois un sein. C'est celon. Et: "Miam, miam" font-elles quand je leurs tends l'un ou l'autre de ces mets. Mais je ne m'attache pas, non, je mne m'attache pas. Tout juste m'arrive t'il de m'égarer, de faire une exception. Ainsi, hier par exemple, avec le facteur. Le facteur est donc venu me voir hier. Il avait une lettre recommandée pour moi. Je lui ai ouvert ma porte, il m'a tendu la lettre en question et, tout en me la tendant m'a dit: "Recomandée est le féminin de recommmandé". C'était un facteur philosophe, alors je me suis attaché à être avec lui le plus poli possible, J'ai signé le papier qu'il me tendait puis je l'ai salué d'un: "Au revoir, bonne journée". J'ai fais une exception. Mais je ne m'attache pas, non, je ne m'attache pas. J'éteins la lumière. J'attends le marchand de sables. Et je m'endors.
nico
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