Bonjour a tous,Si l'avenement de la psychanalyse et de la psychologie a amene certaines bonnes choses, il y aussi de sacres revers. En particulier le fameux "c'est psychosomatique". Symptomes pas clairs, diagnostic infaisable, au lieu de repondre "je ne sais pas", beaucoup de medecins repondent "c'est psychosomatique". Seulement voila, le "c'est psychosomatique" est parfois mortel, ou peut avoir de graves consequences. Voici quelques exemples puises dans mon entourage.
Mme A. est femme de medecin. Depuis des annees elle se plaint de douleurs abdominales. Meme son mari lui dit "c'est psychosomatique", et sa fille le repete a ses amis. Un jour elle est hospitalisee d'urgence. Lorsque je la revois, elle a un anus artificiel et perd ses superbes cheveux noirs a pleines poignees. Jamais le mot cancer n'a ete prononce. Elle est morte trois mois plus tard, d'une oclusion intestinale, a l'age de 36 ans.
M. F. est un homme plein de vie, grand, mince, athletique, superbe. Il a environ 45 ans. Un jour nous apprenons qu'il ne va pas bien. Il est soigne pour depression nerveuse. Lorsque je le revois qques annees plus tard il a le visage d'un vieillard. Comme les toxycomanes il a "decolle", il est d'une maigreur effrayante. Finalement il est amene aux urgences par sa famille. Le medecin de garde decouvre le pot aux roses et pique une veritable colere. Cancer generalise sans aucun espoir. M.F. decedera quelques jours plus tard.
Mme I. parle mal le francais, elle n'a pas invente la poudre, elle est d'un naturel assez gemissant, mais elle est gentille. Elle se plaint souvent de fatigue excessive, de vertiges, elle se sent mal. Son medecin lui donne des drogues censees soigner la depression nerveuse. Plusieurs annees plus tard, des troubles de la vision l'amene chez l'ophtalmo. Le fond de l'oeil est mauvais, reaction immediate, l'ophtalmo l'envoie faire prendre sa tension d'urgence. Resultat: 21 ! Som medecin ne lui avais jamais pris la tension.
Mlle J. a une crise d'adolescence particulierement epouvantable. Deja bebe, sa mere a du mal a etablir le contact avec elle, ce bebe ne reagit pas tout a fait normalement, elle ne cherche pas du regard. La catastrophe scolaire demarre des la maternelle, elle sert le plus souvent de bouc emissaire aux eleves et aux instits. A 6 ans il faut la mettre dans un etablissement specialise. Sans succes, on voit bien qu'elle est intelligente, mais elle a
des sautes d'humeur et un manque d'attention chronique. Au depart de l'adolescence c'est le desastre, elle s'en va dans des milieux inavouables,elle ere parfois seule sans savoir ou elle va, elle devient violente avec sa mere, elle est ramenee par la police. Depuis longtemps les psy s'en sont meles. Et pour quoi fais-tu ci, et pourquoi fais-tu ca ? On tente meme d'accuser le pere d'inceste. Jusqu'a ce qu'enfin un toubib intelligent fasse faire un encephalogramme serieux. Diagnostic : crises d'epilepsie complexes. Autant dire que les questions des psys n'avaient aucun sens. Mlle J. va bien maintenant, 12 ans plus tard elle a fini par s'en sortir. Mais on a frise la desocialisation totale.
Mme H. se plaint de douleurs abdominales, a des infections intestinales a repetition, se trouve beaucoup plus fatiguee qu'elle ne devrait. Son generaliste ne comprend pas, c'est psychosomatique. Au fil des annees il finit meme par la classer hypocondriaque. Mme H. change de medecin, et finit par trouver un specialiste serieux. Diagnostic difficile, mais fait, polypes multiples qu'il faudra enlever et surveiller de pres a vie.Mme H. est d'ailleurs bien malchanceuse car 15 ans plus tot, un autre medecin generaliste voulait l'envoyer en maison de repos, jusqu'a ce qu'un autre medecin diagnostique ... une hepatite !
Dans tous ces exemples, il y a deux faits fondamentaux. La fatigue du medecin qui devant des symptomes incomprehensibles declare "c'est psychosomatique". Ca evite de se sentir en etat d'echec et coupable, c'est la faute du patient et pas la mienne. Une raison etant trouvee il devient inutile de faire des examens complementaires. Le dossier est classe. L'autre aspect est la confusion frequente entre la cause et l'effet, erreur de logique. Meme ma grand-mere savait deja que les cancereux sont depressifs, alors que les malades du systeme digestifs sont irritables et nerveux. On dit bien de quelqu'un qu'il est billieux. Il est bien evident que quelqu'un de gravement malade ne peut pas etre dans son etat normal, au moins l'inconscient sait toujours que le corps est malade. Meme vous, soignants, ne me dites pas qu'epuises apres 48 heures de garde vous etes encore dans un etat normal.
Mais ce n'est pas la depression nerveuse qui rend cancereux, c'est le cancer qui rend depressif !!!