Modifié le 11-01-05 à 20:42 (GMT)Bonjour Cilloux,
...et merci pour votre gentil message!
"l'état civil français n'est pas au top. Mais il y a quand même des gens qui pensent à tous ces enfants, qui leur reconnaissent à chacun une existence propre, une identité propre, et je sais - et vous savez aussi - que le passage de ces enfants sur terre n'est pas sans conséquence. Leur petite vie a autant d'importance que la vie de n'importe qui (et autant de conséquences relationnelles). "
Je suis heureuse de lire ces phrases. Mais j'ai l'impression que tous ces bébés morts sont sans importance aux yeux de la plupart des gens(qu'ils aient été avortés, non-viables...).
Pour moi, donner à mes bébés une existence administrative, c'étaient aussi les faire exister aux yeux du monde. J'ai toujours mal au coeur quand j'ouvre mon livret de famille et que je vois qu'ils n'ont aucune place dedans. Moi, je me souviens d'eux ainsi que ma famille. Mais ce ne sont que des pensées. Voilà, c'est ça, j'ai besoin de concret! D'ailleurs j'ai tellement besoin de ça, que je n'ai jamais pu jeter mon test de grossesse. Je n'ai pas d'échographie (même si j'en ai passé), pas de pierre tombale, pas de papier, rien. J'ai besoin de toucher un objet qui me dit qu'un jour, ces bébés étaient présent sur la terre, même de façon si fugitive.
"J'ai une amie qui a avorté il y a quatre ans. On aurait voulu l'aider à garder son enfant, mais les médecins lui ont dit que de toute façon il serait handicapé (car elle prenait des neuroleptiques, elle était bipolaire). Bref. Elle l'a quand même appelé Frédéri-c/que et ce petit, il fait partie de la vie de plein de monde. "
Moi aussi, je leur ai donné un prénom.
"Ils ont pu le tuer, l'incinérer, ça n'empêche absolument rien. On ne mesure pas une vie au nombre de jours entre le début et la fin.
Quand on dit ça, on se fait rapidement sauter à la gorge et traiter d'intégriste dangereux. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai pas de bombe. Je ne veux le mal de personne."
Je partage votre point de vue à 100%. Et je pense que c'est d'ailleurs pour ça que j'ai tellement souffert en faisant cette fausse couche. Parce que j'accorde une si grande importance à la vie, même si elle courte.
Et je voudrais juste raconter un petit fait d'un médecin formidable:
Aprés mon curetage, peu de temps avant ma sortie d'hôpital de jour, j'ai fait un malaise vagal. Rien de grave, mais le gynéco et l'anesthésiste veuelent que je passe la nuit à la clinique. Le lendemain, un cardiologue me prend en urgence, histoire de vérifier si tout fonctionne au niveau cardiaque. Et évidemment, je me porte comme un charme! Alors, ce médecin s'asseoit avec moi, me prend la main et me dit que la seule chose dont je souffre, c'est d'un coeur brisé. Et il se met à parler avec moi et à me réconforter. Personne en pourra jamais imaginer le bien que cet homme m'a fait. Il a donné de l'importance à mes enfants puisqu'il a reconnu ma douleur. Il les a fait exister, tout simplement. Et c'est cette impression que j'aurai voulu matérialiser, par une reconnaisance de vie officielle sur mon livret de famille par exemeple, ou par une cérémonie funéraire.
Voilà, bientôt, cela va faire 3 ans que j'ai perdu ces enfants et je refuse de les oublier. Je croyais "avoir fait mon deuil" (je n'aime pas cette expression), mais je me rends compte que c'est toujours aussi difficile.
Et je voudrai aussi donner un petit message à ceux qui me liront: j'ai conscience que mes propros peuvent paraitre excessif, notamment dans l'amour que je porte à 2 embryons que je n'ai jamais vu (sauf en écho), et qui n'ont probablement rien ressenti. Mais ils étaient mes enfants et cela, qu'ils aient vécus 1 jour ou 20 ans.