Lun 15 nov 2004 Cher Docteur,
Si j’ai pris rendez-vous ces derniers jours, c’était pour une simple réparation de derrière la façade… Or aujourd’hui vous me proposer une restauration totale, un ravalement complet, réajustement, la reconstitution immédiate de six de mes « plus efficaces » dents de devant… un soucis d’esthétisme évident. Sachez, que cela fait maintenant plus d’une cinquantaine d’années que je vis et emballe avec cette bouche d’aborigène… Hélas, je n’ai aucunement l’intention de souffrir, ou de faire souffrir mon escarcelle… de la soulager ipso facto de 4.500 euros, hors soins…. et cela dans l’urgence, juste avant les fêtes de Noël… Peut être aviez vous prévu un voyage dans les îles ? une joyeuse retraite en Patagonie ?, souhaitiez vous, au préalable, vous faire la main sur un indigène à domicile… malgré cette avancée majeure, si dans cette avant garde technique, en réhabilitant partiellement le doux-dingue que je suis, vous accompliriez alors un acte de sauvegarde de l’espèce… mais, est-ce la décontraction de votre moustache, ce petit coté fin et amusant, de l’œil, ou plus généralement l’attitude gourmande du gentilhomme, du spécialiste … ma foi, j’hésite et appréhende fortement, le geste… quelque soit la blouse, la protection rapproché, même si vous me cédiez par avance tout le bénéfice médiatique de cette exploration… Je suis formel, je ne me sens pas du tout l’âme d’un cobaye…
Cordialement, Foucault Pautard.
Réponse :
Date: Mar 16 nov 2004
Monsieur l'Artiste,
En général - donc pas en particulier - un artiste, peintre par exemple, est très sensible à l'esthétique.
Un dentiste - donc moi en particulier - l'est de même, d'autant que je suis un peu peintre et sculpteur ( sur le retour, comme on dit ).Ainsi vous emballez fort bien avec ce sourire de vieillard décati (!) bravo, mais pour faciliter les choses, ou pour vous quand vous vous regardez dans la glace, etc, le spectacle n'est pas terrrrrrrrible, c'est du moins le message que je vous ai adressé. C'est plus proche de Pompéi, excusez du peu. Quoi qu'il en soit, votre prose m'a bien amusé, et si votre prosage ressemble à votre peinturlurage......
Nez en moins comme disait Cléopâtre, je ne vous prenais pas pour un cobaye, et je n'ai pas de voyage en vue, c'était le thérapeute ( parfaitement) qui parlait, et " un conseiller sympathisant à votre endroit" qui vous adressait un message . ... Gardez donc vos ruines, finalement le doux-dingue emballe et il n'a pas besoin de subterfuge pour cela, il reste nature, "bio" !!! et comme vous le dites si bien, de toutes les façons, on ira tous au paradis, mais là ça ne sera pas rigolo. Bien à vous.
Réponse :
Monsieur l’Artiste,
En général, donc pas en particulier… un artiste peintre, même très sensible à l’esthétique, est plutôt « fauché » et même si je ne me toise que rarement dans la glace… en réhabilitant le doux dingue, vous feriez œuvre humanitaire, et pour la société l’économie d’un épouvantail… bien sûr, je ne souhaite plus faire peur aux petites filles et à leurs mères grands… sur la plage de Knock le Zout, ce ne sont du reste pas là celles que j’emballe…
Excusez du peu… Pompéi, comme vous y allez ! oui, la prothèse dentaire existait déjà, parfois confectionnée à partir de dents d'animaux (une demi-dent de boeuf remplaçant deux dents humaines). Et sur un certain squelette… on a découvert dans la sépultures pompéienne d'une indélicate personne… qui devait remplir la fonction de "dentiste" ou d'arracheur de dents, on a retrouvé un collier de dents humaines cariées et perforées… devrais je comme chez le garagiste, vous réclamer les pièces défaillantes ?
J’ai parfaitement conscience que les tics qui affectionnent naturellement mon faciès, clins d’œil intempestifs et autres sourires symptomatiques… allant du vieillard décati au dégluement impromptu… que ces qualités sont éphémères, et quelles peuvent porter à confusion… j’ai bien saisi votre mission, tenter de mettre en parfaite adéquation, contours formes, et prises… les dents du haut d’avec celles du bas… « sans le moins du monde penser à cet effet : piano »… l’enjeu est de taille, il consiste à faire coïncider ces pièces étrangères, ces formes contondantes… pour qu’elles s’emboîtent, se superposent, s’harmonisent entre elles… cohabitation primordiale… et je dois bien admettre que dans mon cas l’entreprise est des plus risquée ! malgré tout ce « mécano » miniaturisé, ce jeu de modelage, à de quoi me foutre le trac… d’autant que votre imagination débordante peut déployer toute sa mesure… j’ai les boules… Docteur.
Avec votre accord, beau joueur, je reconnais mon erreur et m’apprête donc à réintégrer vos murs, transpirer, m’agrippant à votre siège… mais au préalable, je souhaiterais que vous mettiez la fraise, le planning, et l’addition… sans carburer, tout en rondeur, tout en douceur… accessoirement, je souhaite aussi sortir vivant de votre cabinet… indemne, sans crachouiller, sans déborder sur mon intégral… cravate, veste et pantalon assortis. Quand au paradis… le céleste, j’espère bien faire l’impasse, en trichant un peu, utiliser mon joker sur cette terre…
En attendant de sceller à nouveau cette collaboration dans l’ivresse de la création, Bien à vous. Foucault
www.foucaultpautard.com