Merci Dominique. Beau message d’espoir. J’ai fait cette analyse en 1990 lorsque j’ai choisi la filière Médecine générale. tu es mon héros :-).
J’ai écrit ça il y a quelques semaines ; moins optimiste, mais c’est à l’aune d’une certaine réalité ou d’un certain ressenti.
L’art de la discipline.
Quel médecin n’a-t-il pas un jour entendu dire qu’il n’exerçait pas un métier mais un art ?
Cette notion – d’art – semble avoir perdu beaucoup de sa vigueur et n’être plus d’actualité. Et pourtant, qui, quel médecin ayant atteint la cinquantaine ne se souvient pas avoir été interloqué par l’évocation de son « art » dans la bouche de l’un de ses pairs ?
À trente ans et jeune médecin, je raillais gentiment les plus anciens de mes confrères dont les propos récurrents : « J’exerce mon art et il me semble normal d’être honoré pour celui-ci... » faisaient écho en moi comme la survivance d’une époque lointaine aux charmes aussi bourgeois que désuets.
Deux décennies de Médecine générale frottées aux réalités pragmatiques de l’Assurance maladie et de la Société m’amènent tout naturellement à réactiver, voire à ressusciter ce concept.
Suis-je, sommes-nous des artistes ? Avec pour corollaire naturel la notion même de talent... Où bien ne sommes-nous que les chevilles ouvrières d’une discipline comme une autre ? Ce qui ouvre, cela va de soi, la porte au disciple, dont l’obéissance aveugle et la rigueur sont les deux principes fondamentaux.
Si l’on en croit Wikipedia – dont l’art est de faire passer pour un savant le premier des incultes : « L’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l’idée que l’on s’en fait, s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect. »
Les sens, les émotions et l’intellect : qui oserait dire que la médecine clinicienne n’obéit pas à ces trois items ?
J’allais – à tort – écrire que la médecine n’est peut-être pas un art, mais simplement une discipline, au sens qu’elle ne crée pas, ne sublime pas, n’élève pas l’Homme au-dessus de sa simple condition d’être absurde et vain : le médecin, tel Sisyphe poussant son rocher vers le sommet de la montagne et qui, inlassablement, jour après jour, après que celui-ci a roulé vers la vallée, recommence encore et encore...
Ce serait bien vite oublier la chirurgie et ses miracles, l’imagerie médicale et la biologie qui repoussent les frontières du visible et du palpable.
D’aucuns, non médecins ou n’ayant qu’une approche par trop technicienne du métier, pensent qu’il faut redéfinir, industrialiser – sic –, enfermer cet art, dont la liberté semble être pour eux une insulte aux règles et un mauvais coup porté à un dirigisme de bon aloi, dont il serait acté et définitivement acquis qu’il est bon pour les malades, renommés usagers du système de soins.
Il est indiscutable que des consensus de « bonne pratique » sont une aide précieuse pour les praticiens et apportent quelque garantie aux usagers-malades, concernant – entre autre – les deux principes intangibles « D’abord ne pas nuire » et « Agir en fonction des données actuelles de la science ».
Les avancées récentes de la CNAM – en termes de conquête de territoire : avenants divers à la Convention, pouvoirs exorbitants confiés aux directeurs de caisses, réseaux de soins, balkanisation de la médecine au nom de la très à la mode délégation de tâches et plus récemment le rapport Cordier, ne sont-ils pas le préambule – ou l’achèvement – d’un processus mortel où l’art céderait le pas à la discipline ?
Les maisons de santé pluridisciplinaires seront-elles des lieux où l’on exerce son art à plusieurs ou des endroits surveillés où chacun, au sein d’une collectivité formelle, se devra de suivre des règles, dans le strict respect de la discipline écrite par d’autres ?
L’ars medica, foulé au pied par quelques syndicats signataires complices devra-t-il, comme je le crains, s’effacer devants les diktats d’une Agence régionale de santé, que l’ironie des mots et des abréviations fait appeler ARS (...)