Cher confrère, Qu’est-ce qu’un désert pour un jeune parisien des beaux quartiers ? C’est probablement, la plupart de temps, un lieu où il n’y a pas d’opéra de Paris et de tour Eiffel. On pourrait probablement tenir le même raisonnement pour un jeune lyonnais ou un jeune lillois issu des mêmes quartiers. Est-ce mal en soi ? Est-ce mal d’avoir une « ambition sociale » ? Certainement pas. Mais il faut se rappeler que le système de santé français coûte très cher. Après avoir été en deuxième position parmi les pays de l’OCDE pour la part de PIB dépensée . L’Etat a l’obligation, à priori, d’utiliser au mieux cet argent pour assurer l’accès de tous les Français a des soins de qualité. L’accès à la santé étant un droit fondamental qu’un des pays les plus riches du monde devrait être à même d’assurer à la totalité de sa population. A moins que votre objectif soit que la consultations par des médecins soit réservée aux français habitant le centre des grandes villes tandis que les habitants de zones plus rurales, pas forcément des vrais déserts, devraient se contenter de consultations par des infirmières ou par des vétérinaires, comme cela a été évoqué par certains, et comme cela est envisagé, il faut accepter que les médecins doivent quelque chose en retour du financement par l’Etat de leurs études et de leur activité et que ce financement ne soit pas simplement destiné à servir les ambitions sociales des médecins. Le CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins) a publié récemment un nouvel Atlas de la démographie médicale. Il faut dire que le CNOM a un certain génie pour écrire 200 pages sans donner aucun chiffre pertinent. C’est très fort je trouve. Mais si vous regardez d’autres documents, comme ceux-ci http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Demographie_medicale_2012.pdf http://www.irdes.fr/EspaceEnseignement/ChiffresGraphiques/Cadrage/DemographieProfSante/DemoMedecins.htm vous vous apercevez que, pour les médecins libéraux, dès qu’on s’éloigne de 15 km de la tour Eiffel on tombe déjà dans un désert médical. Et ceci est du à ce que la densité en spécialistes, surtout est trois fois supérieure à la MOYENNE nationale (24 contre 8). Aux portes de Paris, en Seine Saint Denis, on est déjà dans un désert médical http://www.ors-idf.org/dmdocuments/tab93_2013_07/fiche2_2_1.pdf . Bleu horizon a raison de rappeler que le fait d’être rétribué comporte quelques obligations en retour. Celles-ci sont plus importantes pour les fonctionnaires et découlent des obligations de l’Etat qui sont d’assurer une équité de service sur le territoire. En revanche, cela comporte aussi des droits, comme celui de refuser d’être rémunéré sur objectifs, ce qui, de mon point de vue, est autrement plus important que le droit de râler. Surtout quand les objectifs sont scientifiquement contestables, comme d’atteindre les 50% de patients traités pour une « HTA » > 140/90 (voir Gilbert Welsh à ce sujet), ou de faire de la propagande pour le dépistage organisé du cancer du sein, etc D’autre part, les syndicats tiennent des discours très fédérateurs, mais aussi souvent très réducteurs, aux médecins. Cela tourne, le plus souvent, autour de l’augmentation du C. Je trouve que ce n’est vraiment pas la question et que les inégalités ne sont pas là où on croit. Les inégalités entre médecins se situent beaucoup au niveau du mode et du lieu d’exercice , par exemple les médecins de secteur 2 ont le même revenu que ceux en secteur 1 pour une activité beaucoup moins importante, prennent plus de temps, font plus d’acter gratuits. Bref, ils apportent beaucoup à des populations qui ont relativement peu de besoins en matière de santé. L’autre inégalité se situe entre sexes. Là les inégalités sont très très importantes. Bientôt la moitié des médecins seront des femmes. Elles ont, en moyenne, une manière d’exercer, des contraintes, des revenus bien différents de ceux des médecins libéraux hommes. Et l’Etat, bien décidé à ne rien réguler, n’en tient aucun compte. Enfin, les médecins qui ont de très hautes ambitions sociales, qui vont souvent de pair avec d’assez pauvres ambitions en matière de qualité de l’exercice professionnel (cf David Khayat, consultation la plus chère de Paris), sont ceux qui profitent le plus du financement de l’Etat (je parle des spécialités techniques à honoraires supérieurs à 200 000 euros) et qui rendent le moins à la société. Je reprends un commentaire que j’avais fait chez docteurdu 16.
Un aspect qui n’a pas été évoqué jusqu’à maintenant est la FEMINISATION DE LA MEDECINE GENERALE et ce que cela implique au niveau de son évolution dans un contexte où l’Etat dépense de plus en plus pour la santé, mais refuse de réguler l’exercice des médecins d’une part et l’offre et le prix des médicaments d’autre part. Ce dernier aspect est envisagé dans ce document http://pmp.revuesonline.com/article.jsp?articleId=16236 qui explique comment le fait que l’Etat ait adopté une logique marchande et libérale d’incitation en lieu et place d’une véritable régulation en amont aboutit à une allocation de plus en plus inadéquate de ressources toujours plus importantes de santé. La France reste à un (...)