Bonsoir DD,
Il me semble qu’il faut distinguer deux phénomènes distincts qui peuvent interagir l’un avec l’autre mais qui évoluent de manière relativement indépendante.
D’une part, l’émergence rapide mais relativement peu diffuse et qui constitue une menace directe et immédiate pour la vie de patients hospitalisés de bactéries multi résistantes à l’hôpital. Celle-ci est due à une conjonction de facteurs : concentration de patients affaiblis par des pathologies , par des interventions invasives ou par des traitements immunosuppresseurs chez qui flambent des infections de bactéries, souvent d’origine endogène mais dont les résistances sont attisées par une utilisation très intensive de cocktails d’antibiotiques et d’antiseptiques. Il y a quelques 750 000 infections nosocomiales par an en France soit un patient sur 20 hospitalisé.
D’après l’INSERM ces infections nosocomiales sont dues à :
• Escherichia coli (26%), qui vit naturellement dans les intestins de chacun.
• Staphylococcus aureus (16%), présent dans la muqueuse du nez, de la gorge et sur le périnée d’environ 15 à 30 % des individus.
• Pseudomonas aeruginosa (8,4%), qui se développe dans les sols et en milieu humide (robinets, tuyauteries...).
D’autre part une lente dérive des résistances en ville due à la surutilisation d’antibiotiques. Chez des patients en bonne santé cela ne constitue pas nécessairement une menace immédiate mais peut le devenir lorsque ces patients sont affaiblis par la maladie ou hospitalisés. Pour E Coli, la dérive peut être suivie de manière assez précise puisque l’infection urinaire est caractérisée par la présence en nombre d’E Coli dans les urines et que les antibiogrammes sont alors systématiquement pratiqués.
Un réseau de laboratoires de biologie médicale de ville, MedQual, a été mis en place depuis 2004 et permet de mettre clairement en évidence cette dérive pour E Coli (cf réseau MedQual : surveillance de l’évolution des résistances des souches d’E Coli isolées en ville en PDF) qui montre, notamment l’augmentation progressive des résistances d’E Coli à l’amoxicilline (on est passsé de 39,3% en 2004 de R+I à 43,7% en 2011), aux C3G (passé de 2,4% en 2005 à 3,7 en 2011) à la ciprofloxacine (passée de 5,51% en 2004 à 9,8% en 2011), et aussi une augmentation des résistances avec l’âge, concordante avec une prescription croissante et itérative des quinolones avec l’âge chez les femmes, en particulier, pour des infections urinaires récidivantes. On parle bien, notamment, de bactéries multirésistantes (BMR) présentant des bétalactamases à spectre étendu (BSLE).
Et, comme je le disais dans le commentaire un peu plus bas, il n’existe aucune preuve, ni même des indices, en particulier pour E Coli, indiquant que l’usage intensif des antibiotiques dans l’élevage soit une cause de diffusion de résistances chez l’Homme.
Je suis d’accord qu’il ne faut pas culpabiliser les médecins, car la culpabilité est contre-productive, mais il ne s’agit pas de les déresponsabiliser non plus.