Beau papier, Dominique.
Ce sujet renvoie à tout ce qui concerne la négativité de nos vies
( deuil/ rupture/ déception/ dépression/ douleur morale/...)
et qui n’est pas "enseigné" à la fac .
Et entre dans le cadre d’une problématique plus large :
« Je donnerai mes soins gratuitement à l’indigent… et n’exigerai
jamais un salaire au-dessus de mon travail. » Cet extrait du serment
d’Hippocrate est devenu un dogme alors qu’il s’est progressivement vidé
de sa substance au point que l’on peut se demander si le fait d’imposer
aux futurs médecins, du moins en France, de prêter serment, au moment
de la soutenance de la thèse, pour exercer, ne constitue pas un geste de
suspicion à leur égard.
En effet, si la société était vraiment sûre d’eux, elle n’aurait pas cette
exigence, car l’exercice de l’accueil inconditionnel en médecine irait
de soi.
Médecins du Monde, un peu comme les Restaurants du Cœur, représentent
une de nos fiertés nationales. Cela fleure bon la conquête sociale par la
lutte contre toutes les injustices partout où des veuves et des orphelins
souffrent. En réalité, les associations ont dû depuis plus de 25 ans se
substituer aux responsabilités de l’Etat. « Nous soignons ceux que le
monde oublie peu à peu », rappelle le slogan de Médecins du Monde.
Sait-on que l’activité de sa mission « France » augmente d’année en
année, marquant par là-même la confirmation de l’accroissement des
exclusions dans notre pays ? Mettons en parallèle les conclusions de
l’enquête de la HALDE, qui soulignaient dès novembre 2006 que près de
la moitié des médecins spécialistes refusaient d’accueillir en première
intention les bénéficiaires de la CMU.
Cela montre bien que de nombreux médecins continuent à considérer,
avec bon nombre de politiques, la pauvreté comme une sorte de punition
divine qui vient frapper ceux qui ont pêché ou démérité. Comme au
Moyen âge.
Jadis, on affirmait que « les fous » et « les vénériens » devaient leur
état au fait d’avoir commis une faute morale.
On peut se demander si aujourd’hui ce type de croyances transformées
en convictions n’est pas toujours à l’oeuvre dans notre société
« moderne parce que matérialiste », qui n’arrive pas à admettre qu’elle
puisse, dans son espace démocratique idéalisé, générer de la pauvreté,
de la souffrance, de l’exclusion, du malheur et la mort.
Plutôt que de se demander comment former, durant leurs dix années
d’études, les futurs médecins à exercer leur jugement et leur discernement
pour tendre à offrir, dans leur cabinet, un accueil inconditionnel « à
la Hippocrate », on va chercher à culpabiliser, à criminaliser même, les
pauvres, les demandeurs d’asile ou les clandestins malades, les chômeurs
en fin de droit, les mères célibataires…