Modifié le 12-10-04 à 21:56 (GMT)Bonsoir Isabelle,
J’ai été très touchée par vos compliments et vos encouragements, je vous en remercie, ça me donne davantage confiance en moi.
Cela fait longtemps que je lis les messages du forum schizophrénie, et ceux du forum sur les maladies quand il s’agit de maladies psychiatriques. J’y interviens depuis quelques temps sur les problèmes que je connais pour les avoir vécus, parce que certaines réponses faites à des malades borderline m’ont semblé soit insuffisantes, soit même fausses et dangereuses, comme la réponse de Philippe à Cilloux sur le forum « maladies ». J’ai donc essayé de répondre à ces malades avec mon expérience, de les orienter vers les sites qui leur sont consacrés, de leur conseiller certains livres, et surtout de leur faire prendre conscience qu’ils souffrent d’une véritable maladie pour les inciter à se soigner sérieusement en allant consulter un psychiatre.
Maintenant, c’est vrai qu’on pourrait aller au-delà de ces réponses au cas par cas. Il faudrait faire connaître cette pathologie. Contrairement à ce que certains pensent, il y a des critères précis de diagnostic, et tout le monde n’est pas borderline ! Il est nécessaire de combattre certaines idées reçues, comme par exemple l’idée fausse que ce sont des personnes manipulatrices. On ne doit pas non plus banaliser les tentatives de suicide (les suicides réussis se produisent souvent après plusieurs tentatives), ni l’automutilation, ni toute forme de conduite à risque. Il faut aussi faire savoir que cette maladie a des causes physiologiques ET psychologiques, et que médicaments et psychothérapie doivent être associés pour la combattre.
Tout cela est très bien expliqué sur le site de TPL en projection http://iquebec.ifrance.com/tplenprojection/ et dans certains livres… le seul problème c’est que pour arriver jusqu’à ces sites et ces livres, il faudrait déjà avoir un diagnostic, et que justement ces personnes ignorent parfois qu’elles ont cette maladie.
Beaucoup ne se soignent pas du tout, pensant que leurs problèmes viennent de leur caractère, ou qu’elles sont des personnes mauvaises. Elles vivent alors une vie faite d’échecs successifs, sans véritable relation avec les autres du fait de leur instabilité et de leur impulsivité. Souvent elles sont victimes d’accidents du fait de leurs conduites à risque ou de maladies dues à l’alcool, au tabac, à la drogue…
D’autres souffrent d’angoisse et de dépression chroniques et sont soignés uniquement par médicaments chez le médecin généraliste, sans qu’aucun véritable diagnostic ne soit posé ni aucune psychothérapie entreprise.
D’autres encore savent qu’elles ont un problème psychiatrique grave, mais cachent pendant des années leurs symptômes derrière une façade hyper-adaptée. C’est pour cela que certains suicides paraissent si brutaux, si inattendus…
D’autres encore cherchent un peu au hasard des réponses aux questions qu’elles se posent sur l’origine de leur mal être et de leurs étranges symptômes, et comme elles ont entendu un peu parler de la schizophrénie, et jamais des états-limites, elles se croient schizophrènes.
Les malades les mieux informés sont ceux qui sont soignés dans des structures spécialisées. En ce qui me concerne j’ai eu cette chance, car quand j’étais jeune, l’assistante sociale de mon lycée, alertée par mon comportement, m’a orientée vers le Centre Médico-Psycho-Pédagogique, où j’ai pu commencer une thérapie. Par la suite, à 17 ans, j’ai été hospitalisée dans une clinique psychiatrique pour les jeunes, où toutes les pathologies étaient mélangées.
C’est là que j’ai fait connaissance avec les personnes psychotiques, et je vais essayer de vous raconter dans quelles circonstances. J’étais alors en pleine crise d’angoisse aiguë et de dépersonnalisation, c’est-à-dire que j’étais carrément désorientée, je sortais d’une hospitalisation en réanimation pour avoir avalé une grosse quantité de barbituriques, et je ne pesais que 38 kg, ne pouvant presque rien manger depuis 6 mois. Je venais d’entrer à la clinique depuis peu, et ayant une visite de ma mère, je descendais l’escalier vers le rez-de-chaussée pour la retrouver dans la salle d’attente. Sur un des paliers se tenait, immobile et comme pétrifié, un psychiatre de la clinique, et en face de lui une jeune fille dans un état d’agitation extrême, qui hurlait incroyablement fort des phrases tout à fait incompréhensibles et des injures à l’intention du psy. Je suis passée devant eux à ce moment là, et elle m’a envoyé un grand coup de pied dans le dos qui m’a fait valser dans l’escalier. Evidemment, ce jour-là, dans l’état où j’étais, j’ai eu mal, j’ai eu peur et j’ai pleuré, et je ne comprenais pas du tout ce qu’elle avait, cette fille, ni pourquoi ce qu’elle disait était si étrange, ni pourquoi elle hurlait comme ça. Voilà mon premier contact, un peu rude, avec la psychose.
Ensuite pendant mon séjour à la clinique, je me suis fait des amis parmi les personnes psychotiques. Parfois c’était très dur quand ils déliraient, je perdais le contact avec eux, puis le contact revenait doucement. Souvent j’écoutais longuement leur délire, essayant d’en découvrir le sens. Grâce à ma curiosité, j’avais transformé la terreur du début en désir de comprendre ces maladies. J’étais aussi intriguée par les différences entre mes problèmes et les leurs (déjà !). Je suis restée plus d’un an là-bas, j’ai donc eu le temps d’observer et de vivre beaucoup de choses. Malgré nos différences, nous étions tous dans la même galère, solidaires. Il y avait une vraie compassion et une vraie entraide entre nous quand l’un ou l’autre allait mal. Je ne peux rien oublier de cette période-là.
Je suis consciente qu’il y a encore beaucoup à faire pour faire connaître les différentes maladies psychiatriques et leurs traitements. Voilà pourquoi je ne demande pas mieux que d’essayer de contribuer, par mon expérience vécue, aux forums consacrés à ces maladies. Merci encore de m’encourager. Ecrire me fait du bien, cela me donne l’occasion de mettre en forme des idées qui étaient encore hier complètement floues.
A bientôt, pour de nouvelles discussions…
Pandore