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Public, à ta santé !

La santé publique doit savoir rester à sa place, c’est à dire à la bibliothèque

Première publication : lundi 15 février 2010,
par Dominique Dupagne - Visites : 12087

Un médecin qui dérange quelques lobbies est mis sur la touche à Amiens. Le docteur Alain Braillon, un des meilleurs éléments du CHU d’Amiens, se voit privé de moyens pour poursuivre ses activités de lutte contre l’alcool, le tabac ou les dépistages intempestifs. Qui gêne-t-il à ce point ?

Pourquoi parler du Dr Braillon sur Atoute ? Parce que c’est quelqu’un que je respecte profondément. Parce que son histoire impacte fortement la santé publique. Elle est emblématique d’une certaine dérive universitaire (et hospitalière) liée au pouvoir des lobbies dans nos institutions. Elle a été médiatisée jusque dans la presse médicale anglaise. Vous n’en entendrez pas parler dans la presse grand-public, les alcooliers restant d’importants annonceurs.

Les coupes budgétaires ont bon dos pour expliquer cette mise au placard. Voilà ce que déclare le Pr Gérard Dubois, un de nos meilleurs spécialistes en santé publique : Le premier à être éliminé a mis en place un programme exemplaire de prévention du tabagisme avec toutes les maternités publiques et privées de la région. Il a aidé à améliorer la prévention de la transmission de l´hépatite B de la mère à l´enfant. Il a aidé à prévenir les récidives après les tentatives de suicide. Son départ mettra fin à tout cela. Qui s´en soucie ?

Il faut dire qu’Alain Braillon sait avoir la dent dure quand il le faut. Non content de lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme, il n’hésite pas à fustiger les dérives de la gouvernance sanitaire : dans une prestigieuse revue internationale, il parvient à publier un article intitulé Donnez le Sahara à un administrateur de la santé, et il achètera du sable quelques semaines après. Pour autant, cela mérite-t-il une exécution ? Qui peut progresser à l’abri de toute critique ?

Donnons lui la parole :

Praticien Hospitalier dans le service du Pr Dubois au CHU d’Amiens, le secrétariat de la CME m’a informé par un mail peu avant Noël que mon poste était supprimé (comme à France Télécom) et que j’étais envoyé au Centre National de Gestion. Ni moi, ni mon chef de service, ni mon chef de pôle n’avaient été informés et le vote a eu lieu en dehors de l’ordre du jour, en fin de séance avec 37% des membres présents.

Trois mois avant d’être remplacée, l’Agence Régionale d’Hospitalisation a supprimé, sans prévenir, le financement d’une mission régionale pour la qualité et la sécurité des soins que j’assumais depuis 2006, sujet pourtant considéré aujourd’hui comme prioritaire. Cette décision conduit à l’arrêt des actions menées pour les malades avec de nombreux réseaux de soins. En 4 ans, j’ai obtenu plus de 500 000 € de subvention sur appel d’offres pour des programmes dans la Région et je suis le praticien hospitalier qui a le meilleur score de publication du CHU. Mais il semble que certaines publications scientifiques déplaisent(...). La vraie question est de savoir si la santé publique qui, d’après la ministre de la santé devait être sanctuarisée, est toujours une mission qu’un CHU doit remplir ?

En effet, non content d’accomplir un remarquable travail de terrain, Alain Braillon est aussi un scientifique très actif qui publie dans les meilleures revues internationales. Fait-il de l’ombre à ses chers confrères ?

Le British Medical Journal s’en émeut

En France, cette forfaiture n’a trouvé que peu d’écho. Dans le British Medical Journal en revanche, institution britannique et internationale, un article de Paul Benkimoun se désole de cette situation.

Extrait :

A high profile expert on public health, Alain Braillon, has lost his position at the University Hospital of Amiens, Picardy, in a move that public health doctors fear may become more frequent because of a new hospital payment system.

Public hospitals in France now have to comply with what is called "T2A," which stands for "tariff by activity," under which hospitals are funded per activity carried out. Health experts point out that time consuming public health interventions are therefore less rewarding for hospitals, particularly in the short term.

François Bourdillon, chairman of the French Public Health Society (Société Française de Santé Publique), said, "This is the first case of the sacking of a public health expert that I have heard of.

Donc, un médecin de santé publique très actif sur le terrain, auteur de 140 publications internationales, est privé de son outil de travail.

Il vaut clairement mieux pour sa carrière ne fâcher personne et soutenir sa tutelle. Ce n’est pas nouveau, c’est toujours aussi révoltant.

Je suis finalement heureux d’être sur internet et d’avoir renoncé à toute carrière universitaire, je n’ai de comptes à rendre qu’à mes lecteurs.

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