Bonjour,c'était le troisième rendez-vous chez le psy du CMP en moins d'un mois. Pendant que mon fils s'entretient avec le docteur, je repasse dans ma tête les 5 dernières semaines. Une BDA presque à la date anniversaire de la précédente, la remise en route d'un traitement, la non-observation de ce traitement.
A la maison, la famille qui tangue, ma compagne qui craque, moi qui suis sur les rotules. On ne dort plus. Mon fils qui s'oppose à moi sans arrêt, ou moi qui s'oppose à lui, d'un seul coup je ne sais plus. Le traitement, le traitement, le traitement, ça devient une obsession. Prends-le pour éviter l'hospitalisation, je lui dis.
Au fond de moi, je sais bien que ce prétexte est un mensonge. Si je mets la pression sur le médoc, c'est pour conserver un semblant d'autorité sur ce garçon.
Je le sais, et pourtant je ne peux m'empêcher de le "harceler" avec ce foutu Risperdal qu'il s'ingénie à ne pas prendre. Le traitement devient un enjeu qui n'a plus rien à voir avec la maladie. En insistant pour qu'il le prenne, j'en fais le symbole de l'obéissance qui me serait dûe ("tu vis chez moi, tu te soignes") ; en le refusant, il en fait pour sa part un symbole de résistance à mon autorité.
Il est toujours avec le psy, et moi dans la salle d'attente.
Je repense aux messages que j'ai laissés sur ce forum. Des messages d'espoir, pleins d'espoir et de bons sentiments, quand j'avais l'impression de remporter de petites victoires dans la relation avec mon fils, dans la conservation d'une certaine cohésion familiale. Là, je me sens fatigué, je me mets à ruminer sur l'ingratitude, sur l'absence de sa mère, sur ma vie bouleversée.
Besoin de faire mon Caliméro. Je me mets, en pensée, à rejeter tout ça, envie de faire place à un peu d'égoïsme.
Envie de penser à autre chose, de faire autre chose...
Le psy me convie à les rejoindre. Donne son sentiment : son état ne nécessite pas d'hospitalisation (le gros de la crise délirante survenu début mars est passé). C'est marrant, je suis avec eux et pourtant un peu absent.
J'entends vaguement le psy dire qu'il n'a pas son dossier complet sous les yeux. Je me demande comment il fait pour suivre ses patients celui-là.
Mais je n'ai plus la force de m'en insurger. Je repars dans mes pensées qui n'ont qu'un objet : que va-t-on faire maintenant concrètement, on est tous au bout du rouleau, il ne veut pas d'accompagnement psy ni social...
Je suis tiré de mon dilemne quand le psy dit : "votre fils dit qu'il ne se sent pas bien à la maison, et que le problème n'est pas avec votre compagne, mais avec vous". Par l'intermédiaire du psy, mon fils se plaint que trouve que je le harcèle, avec le traitement, avec cette recherche d'emploi qui n'avance pas. Avec mes reproches de laisser du bordel derrière lui dans la maison, etc etc.
Drôle, ça rejoint ce que je me disais dans la salle d'attente...
Devant le psy et en 10 secondes, tout se joue : je m'entends dire à mon fils qu'il partira dès le lendemain matin à la campagne chez ses grands-parents pour se requinquer.
Ensuite, qu'il aille dans cette cité balnéaire de l'Atlantique où ces mêmes grands-parents disposent d'un petit appartement, où il pourra s'installer et chercher le travail de serveur qu'il ne parvient pas à trouver dans le Nord de la France où je réside.
Il s'y trouve actuellement.
Au risque de me tromper (mais n'est-ce pas un risque perpétuel quand on est parent, surtout quand on veut "bien faire" ?), j'ai pris LA décision que je me refusais à prendre jusque là : le lancer dans le grand bain. Pas sans aide vous l'avez compris : appartement de papi-mamie gratos dans une ville qu'il connaît parfaitement bien, mandats postaux du papa pour la subsistance mais ... 800 kilomètres entre nous.
La première conséquence, c'est le libre cours donné à son envie de m'envoyer ch..., (il ne s'en est pas privé depuis au téléphone) et la possibilité qui s'offre à lui de se soustraire à mon regard "pesant".
En profitera-t-il pour se lancer dans la vie, travailler s'il le peut ou au contraire pour vivre oisivement sans plus avoir de comptes à rendre, ou s'enfoncer dans la maladie ?
Dans l'immédiat, ça ne me paraît pas le plus important. Vivre sous mon toit n'était pas une garantie anti-rechute, ni l'assurance de l'acceptation des soins.
Arrivé au fond du sentiment d'impuissance, je crois avoir fait ce que je devais. Pour finir, je sais pourquoi je n'ai ressenti aucune culpabilité à lui demander de partir : c'est que je n'ai pas coupé le lien entre lui et moi.
Je pense n'avoir fait que le dénouer.
Je ne savais pas raconter cela en dix lignes. Je vous remercie d'avoir eu la patience de me lire jusqu'au bout.
Amitiés,
Olivier