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Grippe A/H1N1 2009/2010 en France : le problème sera social et non sanitaire.
Les généralistes souhaitent des mesures adaptées aux problèmes sanitaires et surtout sociaux qui se profilent à court terme
Première publication : samedi 29 août 2009,
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L’expérience acquise dans l’hémisphère sud et des témoignages de médecins réunionnais permettent de se faire une idée des conséquences attendues pour cet hiver de la nouvelle grippe A en métropole.
Ces témoignages [1] confirment que la nouvelle grippe A est aussi dangereuse qu’une grippe A saisonnière, ni plus, ni moins, quoi qu’en disent certains cassandres [2] à partir d’extrapolations hasardeuses. C’est une bonne nouvelle.
Les mesures prévues depuis 4 mois pour y faire face sont donc désormais inadaptées : masques, hospitalisation et antiviraux systématiques ; mobilisation sanitaire majeure de type "catastrophe naturelle".
Il serait facile et injuste de reprocher à nos autorités d’avoir mis en place ces mesures d’exception. Prévoir l’avenir est beaucoup plus facile après coup qu’avant... Si ce virus avait rapidement muté ou s’était révélé brutalement plus virulent, nous aurions tous stigmatisé l’incurie d’une tutelle sanitaire insuffisamment prévoyante.
Nous sommes bien face à une pandémie, c’est à dire à une épidémie touchant une part exceptionnellement importante de la population et présente sur une large zone géographique ; mais cette pandémie concerne une maladie peu grave pour des sujets en bonne santé.
Un pétard mouillé qui fait quand même du bruit...
La prise de conscience du caractère mouillé du pétard grippal sème beaucoup de trouble dans la population, et fait ressentir un grand flottement chez nos dirigeants. Certains témoignages de médecins ou de patients sont édifiants. Le débat sur l’intérêt des vaccinations et des mesures préventives continuera sans doute à agiter les médias pendant de nombreux mois. Mais ce n’est pas de cela dont je souhaite vous parler [3].
Ce qui va vraiment poser problème cet hiver ne sera pas uniquement d’ordre sanitaire, mais d’ordre administratif et social. Or rien n’est prévu pour faire face à de grandes difficultés qui se profilent à l’horizon octobre 2009, c’est à dire demain. Toute occupée à régir la vie de ses administrés, la tutelle administrativo-sanitaire a apparemment oublié de s’adapter elle-même à la situation, sauf en ce qui concerne le PCA, plan de continuation de l’activité, qui prévoit de protéger et de vacciner en priorité le personnel des agences, des directions et des ministères.
Des difficultés administratives en perspective
Pour commencer, précisons que le traitement de la grippe ne nécessite pas de recourir à la médecine dans l’immense majorité des cas. Les antibiotiques sont inefficaces, les antiviraux rarement justifiés. Le traitement de la grippe, c’est le repos au lit avec des boissons chaudes et du paracétamol pour la fièvre.
Malheureusement, les salariés doivent justifier de leur absence par un certificat d’arrêt de travail signé par un médecin. Ce certificat doit être rédigé le jour même de l’arrêt du travail. Dans le cas contraire, le salarié n’est pas indemnisé pour les jours manquants. Aucune latitude n’est prévue pour que le médecin puisse signifier une date de début d’arrêt maladie antérieure à sa visite. Or, la diminution du nombre des généralistes [4] et de leur disponibilité ne permettra pas de faire face à un accroissement brutal de la demande. Au lieu de se concentrer sur sa mission de soin pour les cas graves, ou tout simplement pour continuer à soigner les autres malades, le généraliste français va passer son temps à se déplacer pour remplir un formulaire.
Il est urgent de prévoir un aménagement du code de la sécurité sociale pour autoriser transitoirement les salariés à cesser le travail pendant une semaine sans perte leurs indeminités sur simple déclaration sur l’honneur de leur part. Au minimum, il faut autoriser le médecin a indiquer sur son certificat une date de début d’arrêt antérieure à l’examen du patient.
Des protections peu adaptées
Le port des protections pose d’autres problèmes. Une fois que tout le monde sera convaincu de la faible gravité de cette grippe, ces protections seront peu employées. Or il existe actuellement deux modèles de masques :
chirurgicaux pour les malades, évitant que leurs postillons ne contaminent son entourage. Ces masques n’apportent aucune protection s’ils sont portés par un sujet sain (même s’ils sont parfois à tort portés dans ce but).
FFP2 pour les sujets sains, leur évitant d’être contaminés par les malades.
Masque dit "chirurgical" destiné à être porté par les malades pour ne pas contaminer leur entourage. A l’inverse, il ne protège pas suffisamment celui qui le porte contre la contamination venant de l’extérieur car l’air inspiré passe latéralement (la protection n’est pas nulle, elle est jugée insuffisante).
Masque FFP2 dit "Canard". Il protège contre les virus et est destiné aux professionnels de santté. Il se gorge rapidement de l’humidité de l’air expiré. Il est illusoire de le porter plus d’une heure, surtout pour les porteurs de lunettes. Les travailleurs du bâtiment, habitués à porter des masques, utilisent des modèles à valve (ou à coque, non représenté, pour un usage bref).
Masque FFP2 à valve. Il protège aussi contre les virus car l’air inspiré doit traverser le masque flitrant. En revanche, l’air expiré sort librement par la valve, n’humidifie pas le masque et ne sort pas au niveau des ailes du nez (embuant alors les lunettes). C’est le seul masque vraiment utilisable, mais il reste assez cher (environ 3 euros).
Ce différentiel entre les masques marque les malades du sceau de la contagion, telle la crécelle du lépreux.Elle ne manquera pas de provoquer des manifestations de rejet parfois violentes, dans les transports en commun par exemple. De plus, la contagion s’effectue autant par les surfaces touchées que par l’air. La protection apportée par le masque porté par le malade n’est que très partielle. Une demi-mesure de protection n’a finalement pas grand intérêt.
Les professionnels qui ont essayé de travailler avec les masques FFP2 sans valves (canard) fournis par les autorités sanitaires sont unanimes : il est impossible de porter ces masques plus d’une heure, surtout avec des lunettes (buée). De plus, il est difficile de travailler normalement avec ces masques pour les patients non grippés, et il est recommandé de ne pas les remettre après les avoir ôtés.
Il serait préférable de revenir à des conseils simples, adaptés à une maladie peu grave :
ne pas sortir tant qu’on est malade.
éviter les transports en commun, que l’on soit malade ou non.
si l’on doit sortir, tousser dans un mouchoir en tissu [5], ou à défaut dans le creux de son coude (plus efficace que la main pour éviter de disséminer les postillons).
se laver les mains régulièrement ou les désinfecter avec un gel antiseptique, autant pour ne pas contaminer les autres si l’on est malade que pour éviter de se contaminer si l’on est bien portant.
éviter absolument de porter ses mains à la bouche, de se gratter le nez ou de se frotter les yeux, sauf juste après s’être lavé les mains. Il s’agit de trois portes d’entrée importantes du virus.
Les médecins tomberont malades ou non,mais pas tous en même temps, et ne peuvent espérer se protéger à 100%. De plus, ils sont nombreux à avoir dépassé la cinquantaine, faisant partie d’une population moins sensible à la maladie car en partie immunisé (grippe de 58).
Fermer les écoles n’a pas d’intérêt : c’est reculer pour mieux sauter plus tard. Soit la maladie est grave, et on arrête totalement le pays en attendant le vaccin. Soit la maladie est bénigne et on la gère comme la varicelle ou la grippe saisonnière. Il faut continuer à vivre normalement. L’expérience de l’hémisphère sud montre que la contamination massive, si elle est étalée dans le temps, n’est pas si dramatique que ça.
Des mesures sanitaires à mettre en oeuvre rapidement
Outre la simplification des démarches administratives, il faut prendre d’autres mesures d’urgence :
Augmenter considérablement les places disponibles en réanimation pour faire face à l’inévitable flambée de la demande. Le nombre très important de malades conduira à un nombre inhabituel de formes graves, même si le pourcentage reste faible. Les personnels pour faire fonctionner ces services doivent être recensés ou formés dès maintenant.
Prévoir une numéro d’appel réservé aux médecins de ville, qui gèreront l’essentiel des cas, afin qu’ils puissent joindre facilement et rapidement les services hospitaliers spécialisés pour les cas graves qu’ils rencontreront.
Prévoir des espaces de consultation (locaux publics, tentes) à côté des services d’urgence hospitaliers, pour éviter leur engorgement par les grippés. Quelques médecins généralistes sortant de la faculté ou retraités peuvent faire tourner ces centres d’accueil spécialisés.
Autoriser les pharmaciens à mettre en place des procédures d’exception pour répondre à la demande (y compris livraison de médicaments à domicile par des bénévoles).
Augmenter les aides non médicales pour faciliter le maintien à domicile des personnes âgées non hospitalisées.
Voici, en l’état actuel des connaissances, des mesures qui paraissent importantes aux généralistes, qui seront les principaux acteurs de terrain pour lutter contre la grippe.
Espérons que ces demandes seront relayées et entendues
[1] Outre le témoignage précédemment cité, des médecins réunionnais racontent leur quotidien sur les listes de discussion de médecins généralistes comme mglist ou mgclinique.
[2] Les estimations alarmistes publiées ça et là ne reposent sur aucune base solide et relèvent plus du doigt mouillé que de la statistique.
[3] Le vaccin est un débat à lui seul. De nombreuses questions sont en suspens pour les populations non à risque : pourquoi se vacciner contre une maladie pénible mais bénigne ? Quels sont les risques associés à ce vaccin ? Vaut-il mieux pour le futur être vacciné ou protégé plus efficacement par une vraie grippe ? Une vidéo de 1976 risque de signer l’arrêt de mort du vaccin.
[4] En milieu rural notamment, les généralistes qui partent en retraite ne sont plus remplacés.
[5] Pour le mouchage, un mouchoir en papier est préférable. Pour la toux, qui nécessite une protection rapide et fréquente, le mouchoir en tissu dans la poche est plus facilement accessible, plus grand, plus efficace. Il évite de semer partout des mouchoirs jetables contaminés. Après un mouchage ou une quinte de toux, le malade doit se laver les mains ou les traiter avec un gel alcoolique. A tester dans le bus ou le métro pour apprécier les réactions...