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Mabthera ® (rituximab) et leucoencéphalopathie multifocale progressive

Première publication : lundi 9 novembre 2009,
par Philippe Brissaud - Visites : 15255

La FDA et les laboratoires Genentech lancent ce jour une alerte importante auprès des médecins prescripteurs de rituximab dans la polyarthrite rhumatoïde en raison d’une nouvelle observation de LEMP survenue chez une patiente atteinte de polyarthrite rhumatoïde (PR), n’ayant reçu ni anti TNF ni immunosuppresseurs, et sans antécédent de cancer.

La Leuco-encéphalite multifocale progressive (LEMP) s’est manifestée 4 à 6 mois après la première cure de rituximab (1000 mg à 2 semaines d’intervalle).

Deux autres cas de LEMP sont survenus chez des patientes atteintes de polyarthrite rhumatoïde (PR), mais avec des facteurs de risque d’immunosuppression, cancer et/ou lymphopénie durable avant et pendant le traitement par rituximab.

L’incidence de la LEMP est rare, 3 cas sur environ 100 000 patients atteints de PR traités dans le monde, mais ce nouveau cas chez une malade non immunodéprimée souligne le risque possible de survenue de LEMP chez les patients atteints de PR traités par rituximab.

La leucoencéphalopathie multifocale progressive

La LEMP est une pathologie démyélinisante du système nerveux central due à la réactivation du virus JC (nommée d’après la première personne chez qui on a décelé le virus en 1971). Ce virus est présent chez plus de 90% des personnes dans la population générale et demeure à l’état latent dans les reins, la moelle osseuse (dans les cellules progénitrices CD34+) et les ganglions lymphatiques.

La réactivation du virus survient chez les patients ayant une dépression de l’immunité cellulaire des lymphocytes T, dont 80% au cours du SIDA, 13% au cours des hémopathies malignes (surtout avec un traitement par fludarabine), 5% après greffe, 2% au cours des maladies inflammatoires chroniques.

Plusieurs biothérapies ont été rendues responsables de LEMP, surtout le natalizumab (anticorps qui bloque le trafic des lymphocytes T) utilisé dans la sclérose en plaques et aussi l’efalizumab (qui bloque aussi les lymphocytes T) préconisé dans le psoriasis et dont la commercialisation a été arrêtée pour cette raison.

Les symptômes sont très variés et progressent sur des semaines ou mois : confusion, désorientation, déficits moteurs, troubles de la coordination motrice, troubles du langage, pathologies de la vision.

Le diagnostic est confirmé par l’IRM et la découverte du virus dans le LCR par PCR ou sur la biopsie cérébrale.

L’évolution est fatale dans 90% des cas, d’autant plus que la LEMP est apparue plus rapidement après la dernière perfusion de rituximab.

Risque de LEMP sous rituximab

Le rituximab est un anticorps monoclonal anti CD20, récepteur présent sur les lymphocytes B, et est utilisé dans le traitement des hémopathies malignes B, essentiellement les lymphomes. Il est aussi autorisé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde résistante et est utilisé dans d’autres pathologies autoimmunes.

Depuis la commercialisation du rituximab voila plus de 9 ans, plusieurs observations de LEMP ont été rapportées, au cours des hémopathies malignes mais aussi chez 2 malades lupiques et dans la polyarthrite rhumatoïde.

Dans une étude parue récemment dans le journal Blood, les auteurs ont colligé 57 cas en provenance de centres d’oncologie, de la FDA, du fabriquant et des cas publiés : 52 hémopathies malignes, 2 lupus , 1 PR, une aplasie autoimmune, un purpura thrombopénique autoimmun. Tous les patients avaient reçu des immunosuppresseurs variés. Les deux patients lupiques avaient été traités par alkylants et corticoïdes.

Deux cas de LEMP chez des patientes atteintes de PR ont été rapportés par Fleischmann [1]).

Une patiente de 51 ans qui souffrait d’une polyarthrite rhumatoïde a reçu du methotrexate, puis de l’infliximab pendant un an, mais elle a rechuté et a reçu alors du rituximab. Le rituximab a été réintroduit 3 fois en raison de rechutes. Environ 7 mois après la dernière cure, la patiente a développé un carcinome papillaire de l’oropharynx traité par radiothérapie et chimiothérapie (carboplatine et cetuximab). 10 mois plus tard, elle a été hospitalisée pour pneumopathie et sinusite, elle se plaignait alors de troubles neurologiques et des fonctions supérieures. Une biopsie cérébrale d’une lésion d’aspect tumoral en IRM a révélé une atteinte par le virus JC. L’IRM a montré la diffusion des lésions, avant le décès de la patiente.

Le deuxième cas est celui d’une femme de 73 ans atteinte de polyarthrite rhumatoïde qui avait une lymphopénie persistante. Elle a reçu du methotrexate, de l’etanercept puis de l’adalimumab avant de bénéficier de 5 cures de rituximab. Elle a alors développé une LEMP confirmé par la présence du virus JC dans le LCR par PCR. La patiente a survécu.

En juillet 2008, le Laboratoire avait colligé 76 cas confirmés ou suspectés de LEMP : 69 en oncologie, 1 anémie hémolytique autoimmune, 5 maladies autoimmunes et une indication inconnue.

Alertes successives

A la suite de la publication en 2008 d’un cas de LEMP lors d’une PR et des cas survenus chez les lupiques, la FDA et l’AFSSAPS publient des lettres de mise en garde (AFSSAPS 14 nov 2008 )

Le grand nombre de LEMP chez les maladies traités pour des hémopathies ne remettent pas en cause le traitement. Mais les oncologues sont alertés des risques de LEMP par l’article du Journal Blood et The Lancet oncology.

Seul Calabrese en 2008 aux USA tente d’alerter la communauté rhumatologique du risque de LEMP sous rituximab [2] [3]. Aucune réaction.

Le 13 octobre, les rhumatologues sont avertis d’un nouveau cas de LEMP survenu cette fois chez une patiente non immunodéprimée n’ayant reçu aucun traitement anti TNF.

Cette fois ci l’alerte est sérieuse et Calabrese, toujours lui, rapporte le cas au grand Congrès de l’American College of Rheumatology ACR le 18 octobre 2009.

Toujours lors de ce Congrès, le Pr. Xavier Mariette admet le sérieux de cette alerte dans une interview donnée à la Lettre du Rhumatologue.

Parallèlement, la FDA refuse l’autorisation au Laboratoire Genentech d’utiliser le rituximab en première intention dans la polyarthrite rhumatoïde. Puis alerte les prescripteurs le 23 octobre 2009 du risque de LEMP sous rituximab.

Le 21 octobre, Santé Canada publie sur son site internet une alerte vers les patients et les prescripteurs.

Tous les media américains ont repris cette information. En France … rien ! sauf sur Biotherapy.net.

Prudence et vigilance

Le rituximab augmente donc le risque de LEMP, mais ce risque absolu reste faible.

On peut accepter un tel risque dans des pathologies graves comme les lymphomes et les hémopathies, mais est-il acceptable dans des pathologies a priori bénignes ?

Il faut être prudent et vigilant chez les patients atteints de PR ou surtout de lupus et traités par rituximab, notamment s’ils ont reçu auparavant des traitements immunosuppresseurs. Dans ces pathologies, l’indication du traitement par rituximab doit donc être posée avec une extrême prudence. Les prescripteurs sont maintenant avertis de ce risque et doivent inciter les patients à consulter rapidement en cas de symptôme neurologique anormal.

Il est indispensable de recenser tous les cas avérés et de les colliger dans un registre international afin de mieux les diagnostiquer, de chercher des facteurs de risque et une attitude thérapeutique efficace.

Dr Philippe Brissaud, Médecine Interne Neuilly/Seine

Conflits d’intérêt : aucun

Il y a 1 message sur ce forum.

Messages

  • Bonjour,
    Message en destination du Dr Philippe BRISSAUD :
    J’ai deux patient(e)s en traitement par rituximab pour maladie de GOUGEROT systémique grave, traitement proposé par un service de médecine interne du CHU, mais, pour des raisons de proximité, le traitement est administré sous ma responsabilité dans une unité ambulatoire de proximité...Sauriez-vous me dire si des LEMP ont été décrites aussi dans le GOUGEROT ?
    Et si vous avez des conseils, Merci,confraternellement.
    Dr Michaël FINAUD
    docteur.finaud@gmail.com

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