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Les généralistes et la réforme
La grogne des généralistes : une réforme et une convention médicale mal ficelées
Comment "on" à réussi à fâcher tout le monde
Première publication : samedi 22 janvier 2005,
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Pourquoi les généralistes sont-ils si mécontents de la nouvelle convention médicale ? Pourquoi personne ne comprend rien à la réforme de l’assurance maladie ?
La nouvelle convention médicale venant compléter la réforme de l’assurance maladie soulève un tollé chez les généralistes.
J’ai essayé, de façon brève et simple, d’expliquer pourquoi ci-dessous :
Voici un extrait du texte de la convention concernant la fonction du médecin-traitant :
1.1 assurer le premier niveau de recours aux soins ; § orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés et informer tout médecin correspondant des délais de prise en charge compatibles avec l’état de santé du patient ; § assurer les soins de prévention (dépistage, éducation sanitaire, etc.) et contribuer à la promotion de la santé ; § contribuer à la protocolisation des soins de longue durée, en concertation avec les autres intervenants ; la rédaction du protocole est faite par le médecin traitant (généraliste ou spécialiste) en liaison ou selon la proposition du ou des médecins correspondants participant à la prise en charge du malade ; § favoriser la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants et l’intégration de cette synthèse dans le DMP ; § apporter au malade toutes informations permettant d’assurer une permanence d’accès aux soins aux heures de fermeture du cabinet. 1.1.2. Modalités de choix du médecin traitant Le médecin traitant peut être médecin généraliste ou spécialiste. |
Si l’on reprend ces éléments point par point, on constate l’absurdité du système et l’agression qu’il constitue pour les généralistes qui ont enfin réussi cette année à faire reconnaître leur profession comme une spécialité à part entière.
§ orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés et informer tout médecin correspondant des délais de prise en charge compatibles avec l’état de santé du patient ;
Je ne comprends pas trop cette phrase. Et vous ? Cela veut-il dire qu’il faut que le gynécologue téléphone au cardiologue pour expliquer que sa patiente ne pourra survivre sans un rendez-vous dans les 21 jours ?
§ assurer les soins de prévention (dépistage, éducation sanitaire, etc.) et contribuer à la promotion de la santé ;
Ces soins et ces actions constituent le coeur de métier du généraliste compétent. Comment un neurologue, un psychiatre ou un ORL va-t-il assurer ces missions ? A quel moment ? Avec quelle formation ?
Que signifie "contribuer à la promotion de la santé" ? Cela veut-il dire qu’il faut écrire des articles dans Paris-Match ?
§ contribuer à la protocolisation des soins de longue durée, en concertation avec les autres intervenants ; la rédaction du protocole est faite par le médecin traitant (généraliste ou spécialiste) en liaison ou selon la proposition du ou des médecins correspondants participant à la prise en charge du malade ;
Je ne crois pas une seconde à la capacité d’un spécialiste à assurer une bonne concertation entre intervenants [1]. C’est le rôle fondamental du généraliste d’assurer la coordination, ne serait-ce que parce que quand ça va mal, c’est le seul qui va au domicile du malade. Et l’aptitude des spécialistes à gérer la parerasse qui n’est pas de leur spécialité est faible...
§ favoriser la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants et l’intégration de cette synthèse dans le DMP ;
Le DMP (Dossier Médical Partagé ou Personnel) [2], est un serpent de mer qui ne devrait pas voir le jour avant 10 ans. Ceux qui en ont une expérience dans le cadre de projets pilotes ville-hôpital savent à quel point cette gestion est complexe et fastidieuse. Si l’on met de côté l’aspect "électronique", comment faire une synthèse sur des informations cardiologiques ou gynécologiques quand on est psychiatre ?
§ apporter au malade toutes informations permettant d’assurer une permanence d’accès aux soins aux heures de fermeture du cabinet.
Voila qui est plus facile :-) Tout le monde sait mettre le numéro du service de garde assuré exclusivement par des généralistes sur ses ordonnances.
C’est l’occasion de rappeler que le généraliste est un spécialiste dans toutes les maladies la nuit et le dimanche. Dès le lundi matin, les affections redeviennent une affaire de spécialiste.
On pourrait débattre de nombreux points de détail, mais l’essentiel est là. La médecine générale a longtemps été un exercice mal considéré, pratiquée par des médecins formés "par défaut", c’est à dire sans formation spécifique.
A l’instar des autres pays européens, cela a changé depuis quelques années et le généraliste est devenu un spécialiste du premier recours, de la médecine préventive, de la coordination des soins. Les formations universitaires de 3ème cycle spécifique à cette profession, exercées par des généralistes pour des généralistes, ont considérablement amélioré la qualité de leur formation. Le titre de généraliste est désormais une spécialité médicale à part entière.
Cette notion de "médecin-traitant" aurait pu (si on croit à son intérêt) être la concrétisation de ces efforts de formation et de qualité. Cette convention détruit des années de travail silencieux et acharné dans les facultés pour sortir la médecine générale de son ghetto. On a voulu ménager la susceptibilité des spécialistes, ce que je comprends, on a réussi à faire une usine à gaz, à fâcher les généralistes, à fâcher aussi de nombreux spécialistes (ce qui est un comble) et même à fâcher les patients. Et c’est bien connu, "On" est un con.
Les jeunes médecins ne s’y trompent pas, qui délaissent massivement la médecine générale. On (toujours lui ;-) ) ne peut pas à la fois répéter partout que le généraliste est le "pivot" du système de santé et le maltraiter à chaque occasion.
Eviter l’opposition généralistes-spécialistes
Que l’on ne voie pas dans ce texte une guerre entre généralistes et spécialistes, mais le souci pour chacun de défendre son exercice dans sa spécificité. Les spécialistes français ne sont pas prêts psychologiquement à recevoir des patients adressés uniquement par des généralistes (comme en Angleterre). Les patients français ne sont pas prêts non plus à une incitation de ce type. Si je trouve ce principe intéressant en tant que généraliste, je comprends tout à fait l’appréhension de mes confrères spécialistes Je ne crois pas que les spécialistes aient un réel souhait d’exercer la mission de médecin de premier recours, ils veulent seulement avoir la liberté de soigner les patients "lourds" qui nécessitent un suivi spécialisé étroit et, encore une fois, ne pas dépendre des généralistes pour leur clientèle en général. L’impression de tension entre généralistes et spécialistes qui sort de la situation actuelle est uniquement due à la maladresse de la réforme et de la convention qui l’accompagne. Tous les médecins sont dans le même bateau et ils le savent bien. |
Ce texte n’aborde pas toutes les raisons qui provoquent la colère des généralistes [3]. Je n’ai pas détaillé les éléments financiers ni la disparition de l’option "médecin référent". J’ai souhaité situer cette réflexion sur le seul aspect psychologique du refus : Cette convention est une gifle pour ceux qui oeuvrent (oeuvraient ?) pour la qualité de l’exercice et de la formation du médecin généraliste.
[1] De même qu’un généraliste n’est généralement pas compétent dans le coeur de métier du spécialiste
[2] Voir à ce sujet les nombreux articles sur le site Fulmedico ou le calendrier idéalisé
[3] Lire à ce sujet le Manifeste contre la réforme
Messages
22 janvier 2005, 10:03, par Jean Laleuw
Il me paraît important de signaler le risque de difficultés pour la prise en charge des malades dans un parcours de soin coordonné quand on laisse la possibilité d’un accès direct mieux rémunéré pour les spécialistes d’ou un risque d’attente plus long pour les patients “vertueux” ou à faible revenu qui ne pourront payer le dépassement.
L’exemple de l’ophtalmologie est parlant. Il y a pénurie, les délais sont longs mais c’est plus facile d’avoir rendez-vous en payant un supplément. Ce système existe déjà à l’ hôpital. La future convention va le permettre en médecine libérale. Nous sommes en face de la libéralisation et du désengagement de la sécurité sociale solidaire.
22 janvier 2005, 19:29, par Nausica
Les internes en médecin générale de l’ISNAR ne manquent ni d’humour, ni de lucidité.
Voici quelques extraits de leurs tracts de ce 22 janvier :
Quel médecin traitant pour les Français ?
Ses fonctions :
Soins de premier recours
Suivi du patient
Gestion du dossier médical personnel
Prévention et éducation à la santé
Mais qui peut-il bien être ?
a) Ophtalmologiste
b) Proctologue
c) Plombier
d) Médecin Généraliste
à vous de décider. Mais ne vous trompez pas !
Question n°49 : Vous avez besoin d’un RDV chez votre médecin traitant rapidement. Débordé, il n’est pas en mesure de vous recevoir aujourd’hui : que faites-vous ?
a) je me rends chez son jeune collègue qui vient de s’installer et qui paraît-il est très bien et je paye une partie de la consultation de ma poche (déremboursement partiel si je me rends chez un M.G. qui n’est pas mon médecin traitant)
b) je suis fidèle mon médecin traitant et même si je n’ai RDV que dans trois jours, tant pis !
c) Je file aus Urgences de l’hôpital le plus proche et j’attendrai 5 heures s’il le faut...
VOILA CE QUE VOUS PROMET LE PROJET DE CONVENTION !
UNCAM ne signifie plus Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie, mais Union Chargée de l’Annihilation de la Médecine
23 janvier 2005, 01:57
Salut Dom,
Les spécialistes n’ont jamais demandé à être médecin traitant (d’ailleurs si un patient me le demande, je refuserai).
On a toujours l’impression que si la SS a 15 milliards de déficit, c’est la faute des spécialistes, alors qu’il faut rappeler que les rémunérations des médecins dans leur ensemble ne représentent que 15% des dépenses !!
L’hôpital entraîne plus de 50% des dépenses ! et en plus une partie des prescriptions hospitalières sont réalisées en ville, donc ces dépenses sont imputées sur la médecine libérale.
Trouverais-tu normal qu’un patient soit obligé d’avoir l’accord de quelqu’un d’autre avant de venir te consulter ? c’est ce qui se passe pour le passage chez le généraliste qui va bloquer tant qu’il peut les patients "ce n’est pas la peine d’aller voir un spécialiste, moi je sais tout faire".
Cette réforme est mal foutue au possible.
Tu vas oser faire payer 20 ou 30 euros pour quelqu’un qui veut aller voir un spécialiste ?
un spécialiste anonyme
nickname : jmm
23 janvier 2005, 08:07, par Dominique Dupagne
Bonjour jmm,
Je pourrais en effet rajouter que je ne vois pas comment je vais gérer les patients qui vont prendre RV avec moi pour me demander d’aller voir un spécialiste pour un motif qui justifie à l’évidence cette consultation. Je ne pourrais pas moralement leur prendre d’honoraires et je vais donc y laisser des plumes.
Il m’arrive souvent de voir des patients qui me disent en fin de consultation "Ah Docteur, pourriez vous m’indiquer un dermatologue pour mes boutons" et de me montrer un pityriasis versicolor que je leur traite directement. Mais la démarche est différente. Encore une fois, le passage obligé à l’anglaise n’est pas dans les mentalités françaises ni chez le patient, ni chez le médecin.
Et je crois que s’il y a un consensus fort, c’est sur le côté "mal-foutu" et usine à gaz de ces dispositifs.
23 janvier 2005, 11:52
et encore, le point d’orgue, la cerise sur le gateau, ça va être le DMP !
Je pense qu’on rentre dans une grande cacophonie qui va bien traîner des années et dont l’issue est incertaine pour tout le monde.
Bon courage à tous !
nickname jmm
7 février 2005, 14:03, par Cilloux
Je ne pourrais pas moralement leur prendre d’honoraires
Et pourquoi donc ? Tout travail mérite salaire. Ce n’est pas à la portée du premier pingouin venu, d’oritenter vers le bon spécialiste.
Vous devenez malgré vous conseiller d’orientation.
Bon d’accord ce n’était pas votre vocation.
Il faut donc créer un nouveau corps de métier : conseiller d’orientation médical.
Bah je dis ça comme ça, j’ai atterri ici pendant les travaux alors je m’incruste.
Cécile
Pourquoi ça me met le titre du message ici ?
27 septembre 2005, 10:07, par guite
pour moi le deficit de la securite sociale est un sujet qui n est pas pris a la racine les vrais responsables sont a l abri on nous prend un euro par ci par la pourquoi ne pas renforcer les controles l abus de faux malades est flagrante nous avons tous dans notre entourage un fraudeur messieurs les controleurs faites un travail plus approndi et arretons de charger les vrais travailleurs et pour ceux qui nous gouvernent arretez de noyer le poisson les bonnes paroles ca suffit nous voulons de vrais actes
24 janvier 2005, 10:10, par JFR
mon cher DD, je ne pense pas que ton édito, tel qu’il est formulé, trouve sa place dans notre site du CMGE.
Il manque essentiellement à mon avis la dimension "universitaire" de l’ineptie et de la dangerosité du texte.
1)comment allons nous favoriser des "vocations" de MG chez nos étudiants de DCEM ? Il paraît évident qu’ils vont tous se diriger vers les autres spécialités, et nous n’aurons plus de problème de recrutement d’enseignants ou de M de Stage !
2)comment vont faire les futurs jeunes installés après le 1er juillet ?
Faire de la pub dans les journeaux locaux, hanter nos salles d’attente pour démarcher les mécontents des délais d’attente de + en + longs !!
Je plaisante, mais essayez de vous mettre à la place d’1 jeune médecin généraliste motivé en cours de thèse !
UNE SEULE ATTITUDE = NE PAS SIGNER LE DOCUMENT "Médecin traitant" POUR CREER UN RAPPORT DE FORCE EN NOTRE FAVEUR. Nous verrons alors en juin si les Caisses et le gouvernement sont aussi fermes. Je prends le pari que si 80% de médecins ne signent pas, on va renégocier.
Amitiés JFR
24 janvier 2005, 17:39, par JL
Ce texte semble oublier la définition de la médecine générale..
Si on se référe à cette définition européenne, seul un spécialiste de MG peut remplir les fonctions de médecin traitant de premier recours.
De même que je suis incapable de remplacer un PU-PH dans sa consultation de spécialité hospitalière, lui sera incapable d’assurer ma consultation de MG de ville, chacun son métier et sa spécificité.
JL
Voir en ligne : Définition européenne de la Médecine générale, adoptée par la WONCA en 2002.
24 janvier 2005, 18:38, par Dominique Dupagne
Le lien est cassé, voici la bonne adresse
31 janvier 2005, 09:31, par Dominique Dupagne
Même le Conseil de l’Ordre des médecins a du mal à comprendre :
http://www.web.ordre.medecin.fr/presse/convention.pdf
20 février 2005, 17:37, par Dominique Dupagne
Les juristes s’en mêlent. La déclaration de médecin traitant aura-t-elle autant d’avenir que le carnet de santé ?
4 mars 2005, 10:22, par Dominique Dupagne
Voir aussi ce texte qui invite à ne pas signer la déclaration de choix du médecin traitant
30 juin 2005, 15:16
Christiane & Jean-Bernard
concernés mais non spécialistes du sujet :
intuitivement dérangés par cette atteinte à la liberté de choisir et, par l’obligation de faire ce que nous pensons pratiquer normalement.
choqués par la pression exercée pour nous engager dans un processus "non fini ni organisé et en devenir incertain", sur lequel nous pourrions tout au plus donner un avis.
pas même une démarche assise sur la confiance, sentiment que nous pouvons comprendre, mais basée sur la pénalisation et qui ne semble pas défendre une idée morale ou fédératrice concernant par exemple la santé.
paraît générateur de conflit,
paraît favoviser une médecine pour personnes aisées..,
Quel but caché au dela des apparences ? contrôle, dénonciation par les patients des revenus des MG, ou autre méthode un peu totalitaire...
merci Atoute(DD) dont nous connaissions déjà le site, pour ce travail et ces liens tout prêts.
15 novembre 2005, 19:03, par http://ourworld.compuserve.com/homepages/fineltain_ludwig
Tout ce que tu dis paraît réaliste mais quant à moi j’ai toujours signalé aux patients -à la faveur d’un premier contact- qui me téléphonent ces vingt dernières années ma préférence : qu’ils soient orientés par un médecin généraliste ou par le spécialiste qui est leur médecin "habituel". Je leur demandais même quelques fois : avez vous une lettre de votre médecin ?
Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre (Paris)
100534.355@compuserve.com
fineltainl@yahoo.fr
"Bulletin de Psychiatrie"
http://ourworld.compuserve.com/homepages/fineltain_ludwig
"MMT"
Les Médecins Maîtres-Toiles
http://www.mmt-fr.org/
Voir en ligne : referent
30 mai 2006, 10:53, par jerome mota
J’ai encore peu experimente le nouveau systeme, mais je n’en suis pas satisfait. C’est un systeme kafkaiesque, dont le seul semble etre, plutot qu’une meilleure gestion des ressources par une meilleure orientation, de decourager les gens de se faire traiter. On reflechit a 2 fois a consulter un specialiste quand on sait qu’on d’abord passer par le generaliste qui enverra peut-etre vers un autre specialiste qu’on ne connait pas, et avec l’apprehension des futures complications (vais-je etre trimballe de specialiste en specialiste, comment vais-je trouver le temps de me rendre chez le medecin, combien cela-va-t-il reellement me couter, ...). Ce systeme est une insulte a l’intelligence des patients, bien capables d’aller consulter un specialiste s’ils le connaissent bien, lui font confiance, et sont surs de leurs demarches, et assez intelligents pour demander au prealable son avis au generaliste ou au specialiste s’ils ont un doute. Ce systeme va peut-etre un peu ameliorer la gestion des ressources dans certains cas, faire se poser des questions a certains, mais il ne genera pas ceux qui abusent du systeme de sante, non sans la complaisance parfois de certains medecins.
Une fausse bonne idee donc !