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Mediator : le rapport de l’Igas fait le procès du "machin"
Saint-Denis, ton univers impitoyable...
Première publication : samedi 15 janvier 2011,
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Ça y est ! Il est enfin paru. Le rapport de l’IGAS sur le Médiatorgate ne fait pas dans la dentelle. On s’attendait à une bombe, c’est un tremblement de terre. Du sang, des morts, de la peur. C’est Dallas à Saint Denis.
Les laboratoires Servier ont fait, ou plutôt commis, tout ce qui était imaginable et possible pour tromper les autorités sanitaires, les prescripteurs et les patients. Les conséquences judiciaires vont être lourdes, sans doute au point de menacer l’avenir de cette entreprise dont le fonctionnement interne est souvent assimilé à celui d’une secte.
Les autorités de régulation n’ont rien régulé, bien au contraire. Leur inertie, leur altération des rapports de pharmacovigilance (imputabilité douteuse d’un cas pourtant évident), leur obstination dans l’erreur, ne font que confirmer que les "machins" sont incapables de faire du bon travail. Nous retrouvons un mécanisme identique à celui qui a conduit les agences de notation financières à ne pas voir la crise des subprimes, et ce malgré des moyens matériels et humains considérables.
Vous pouvez mettre autant de personnes que vous voudrez dans un "machin", y compris des gens compétents et honnêtes. Si vous placez à des points clés des personnages peu scrupuleux, incompétents ou proches d’intérêts privés, le "machin" faillira à sa mission. L’AFSSAPS (au sens large, avec ses "experts") est décrite dans le rapport comme une machine à noyer la vigilance. Faites rentrer des informations graves et fondamentales d’un côté, il ne ressortira rien au bout, sans même parfois que le directeur, ou le Ministre n’en soient informés.
Et pourtant, le directeur et le Ministre sont responsables, car le patron est toujours responsable du désastre que produisent ses employés, et surtout de la gestion des ressources humaines, fondamentales dans ce domaine.
On ne peut pas faire de bonne expertise pharmacologique avec des experts payés comme des prestataires juniors, que l’on autorise à valoriser leur fonction en travaillant pour les industriels. Tant que l’on n’aura pas compris cela, les "machins" produiront toujours de la merde.
Philippe Foucras, président du Formindep, a très bien résumé la situation dans un article de Rue89 :
« Regardons la réalité en face : ce sont les meilleurs, ces experts issus du système hospitalo-universitaire, qui ont autorisé le Mediator et n’ont pas vu qu’il y avait un problème, et ce sont les petits généralistes et les pharmaciens de rien du tout de Prescrire qui ont dénoncé ça.
Peut-être faut-il revoir la définition de “meilleurs” car le vrai critère du meilleur ce n’est pas seulement les diplômes et les titres, mais l’indépendance. »
Que l’on arrête de nous bassiner avec des "experts pointus qui ne peuvent se recruter que parmi ceux qui travaillent avec l’industrie" Le résultat est là, une fois de plus. Mieux vaut un petit expert honnête qu’un gros expert qui mange à toutes les gamelles. Au vu des données présentes dans le rapport et qui étaient accessibles aux experts de l’AFSSAPS, un étudiant en médecine de 5ème année aurait préconisé d’interdire immédiatement le Mediator.
Et pour ce qui concerne Xavier Bertrand, je laisse la parole à Albert Einstein : "Ne comptez pas sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre".
Quant à Nora Berra, ce n’est pas avec une ex-cadre de l’industrie pharmaceutique bombardée ministre que l’on peut nous redonner l’espoir. On a vu le résultat avec Roselyne Bachelot.
Pour comprendre pourquoi le groupe Servier se sentait invulnérable, il suffit de relire l’allocation de Nicolas Sarkozy lors de la remise des insignes de Grand-Croix de la Légion d’honneur en 2009 :
ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
à l’occasion de la remise des insignes de Grand’Croix
de la Légion d’Honneur au Docteur Jacques SERVIER
Président fondateur des Laboratoires Servier
Palais de l’Élysée – Mardi 7 juillet 2009
Monsieur le Docteur, Monsieur le président, Cher Jacques SERVIER,
Votre histoire, c’est une grande histoire française riche de leçons. Vous avez traversé le siècle - on ne le dirait pas - et vous êtes pleinement engagé dans les nouveaux défis de notre temps.
Je me souviens de notre première rencontre en 1983. C’était déraisonnable, c’est là que je vois que vous êtes enthousiaste, vous pensiez déjà à l’époque que je serai Président de la République. Incorrigible Jacques SERVIER !
Vous êtes un personnage hors du commun. Votre ascèse et votre sobriété forcent le respect de tous.
Mais je ne veux pas faire votre portrait, comme on croque quelqu’un à distance. Je vous connais trop bien pour cela. Je préfère tenter d’exprimer votre identité profonde.
Vous êtes avant tout un médecin, un homme de santé et de recherche. Vous êtes à la fois docteur en médecine et docteur en pharmacie. C’était un fait rare en 1950, cela le reste aujourd’hui.
Vous avez été formé à l’école de la médecine française, celle de Pasteur, celle des nombreux prix Nobel dont notre pays peut s’enorgueillir. Je le dis devant Roselyne BACHELOT, l’école de médecine française – ce à quoi elle croit - est une école d’excellence. J’entends parfois certains opposer les soins et la recherche. C’est oublier d’où vient la médecine de notre pays. C’est négliger les fondements de l’enseignement des Jean BERNARD et autres Jean HAMBURGER. C’est ignorer que l’amélioration de la santé humaine résulte des innovations de la recherche et des progrès qu’elles ont permis.
Le groupe auquel vous avez donné votre nom, est un laboratoire de recherches et vous êtes passionnément attaché à cette spécificité.
Vous avez fait de votre groupe une fondation. Raymond et moi, on y a joué un rôle. Grâce à ce statut, tous les résultats du groupe sont réinvestis dans la recherche. Aucun dividende n’est distribué. Tous les médicaments SERVIER sont issus de la recherche du groupe et vous parvenez, avec les 20 000 collaborateurs du groupe, à inscrire ce site dans la durée, à le faire fonctionner année après année.
Vous êtes médecin Jacques et, à ce titre, vous avez une conception profondément humaine de votre métier. Vous vous êtes battu toute votre vie pour soulager et pour guérir, pour proposer aux médecins et à leurs patients des médicaments efficaces.
Au sein du groupe, vous avez prêté une attention particulière aux collaborateurs et à leur talent. Vous vous êtes très tôt préoccupé de la place des femmes à tous les échelons du management. Vous avez fait du groupe SERVIER une fondation et vous avez voulu protéger les femmes et les hommes de votre entreprise plutôt qu’attirer les capitaux. Vous nous rappelez que les capitaux n’ont d’autre destination que de servir les projets que chacun d’entre nous porte en lui. L’homme n’a pas à être soumis aux caprices du capitalisme et encore moins aux caprices de la spéculation.
Jacques, vous êtes un entrepreneur comme la France en compte peu. Les Laboratoires SERVIER, entre 48 et aujourd’hui, ont connu un développement remarquable. De la pharmacie familiale à Orléans, neuf employés. En 54, l’entreprise s’installe à Neuilly. Aujourd’hui les Laboratoires SERVIER sont présents dans 150 pays, avec des positions très fortes en Russie, en Chine, en Europe de l’Est. 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et l’effort de recherche et de développement représente 25% du chiffre d’affaires.
Vous n’avez eu de cesse de prendre des risques. Je sais bien que passer d’Orléans à Neuilly, c’était déjà, pour reprendre vos mots, se développer à l’international.
En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison.
Enfin Jacques, vous être un patriote. Grâce à vous, notre pays peut saluer une industrie de classe mondiale. C’est un privilège réservé à moins d’une dizaine de pays dans le monde.
Et puis, vous êtes un homme fidèle. Vous êtes quelqu’un qui ne retire pas son amitié. Vous êtes un homme courageux et vous être un visionnaire.
La nation vous est reconnaissante de ce que vous faites. Vous êtes une publicité vivante pour les médicaments SERVIER parce que, franchement, l’âge n’a absolument aucune prise sur vous. Je dirais même que par une certaine coquetterie, vous rajeunissez Jacques. C’est extrêmement énervant !
J’espère que chacun aura compris que c’est un grand Français que je vais décorer au nom de la République française.
***
date de publication : 29/07/2009 (sur le site www.servier.fr)
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