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Cet hiver, grippe très rude

Première publication : lundi 24 octobre 2022,
par Dominique Dupagne - Visites : 23904

Il existe des arguments scientifiques pour penser que la grippe 2022/2023 sera particulièrement éprouvante dans l’hémisphère nord. Quels sont ces arguments ? Que faire ?

Le titre de cet article fait référence à une fable :

Un trappeur américain se prépare à hiverner. Il commence à constituer un réserve de bois pour faire face au grand froid.
Pendant qu’il scie du bois, un indien passe devant sa cabane. Il en profite pour l’interpeller :
- L’hiver sera-t-il rude cette année ?
L’indien le regarde, et après quelques secondes de réflexion lui répond :
- Cette année, hiver rude !

Le trappeur décide de couper plus de bois, mais quelques heures plus tard, l’indien repasse.
- Euh, excusez-moi, mais l’hiver sera-t-il très rude ?
L’indien réfléchit encore quelques secondes et répond :
- Cette année, hiver très rude !
Zut ! Pas de chance se dit le trappeur qui redouble d’effort pour augmenter son stock. Mais l’indien repasse encore une fois et il l’interpelle de nouveau :
- Quand vous dites "très rude", vous voulez dire vraiment très rude ?
- Oui, cette année, hiver très très rude !
- Euh, mais comment savez-vous cela ?
- Moi savoir car proverbe indien dire "Quand homme blanc coupe beaucoup bois, hiver très très rude !"

Cette fable illustre la grande difficulté de prédire l’intensité d’une épidémie de grippe, alors que tous les ans, certains virologue prédisent en octobre une grippe "très rude" (sans doute au vu du stock de vaccins préparés par l’industrie pharmaceutique...)

Pourtant, il existe cette année des arguments forts pour penser que l’épidémie de grippe saisonnière 2022/2023 risque d’être particulièrement intense.

Mais avant de les évoquer, je dois vous expliquer comment fonctionne la circulation de la grippe saisonnière.

Grippe et COVID 19 : de nombreux points communs

Les virus de la grippe (orthomyxovirus) ont des points communs avec ceux du COVID19 :
- transmission majoritaire par les aérosols.
- maladie essentiellement respiratoire mais associées à des symptômes touchant d’autres organes
- capacité de mutation importante empêchant la constitution une immunité individuelle et collective après maladie ou vaccination (contrairement à la rougeole, la rubéole, les hépatites A et B, la variole etc.)
- formes mortelles touchant surtout les personnes âgées et les malades chroniques fragiles.

Après avoir contracté une grippe, nous fabriquons des anticorps dirigés contre le virus grippal qui nous a infecté. Cette mémoire immunitaire nous protège quelques années (environ 10 à 30 ans) mais les mutations [1] successives de ce virus finissent par rendre cette immunité inopérante. Par ailleurs, il existe 3 types principaux de virus de la grippe : A/H1N1, A/H3N2 et B, qui génèrent après infection des anticorps spécifiques inactifs sur les 2 autres types de virus. D’où la fréquence moyenne d’une grippe tous les dix ans car nous alternons des grippes dues aux différents types de virus.

En pratique, tous les ans, les sujets dont l’immunité grippale s’est émoussée redeviennent vulnérables à la grippe saisonnière et constituent le réservoir de circulation du virus pour la saison en cours.

Les mesures barrières contre le COVID19 ont fait croître le réservoir de sujets sensibles à la grippe saisonnière

En pratique, tous les ans, un pourcentage de la population voit son immunité contre la grippe devenir insuffisante, du fait de l’ancienneté de sa précédente contamination et des mutations cumulées du virus de la grippe. Ces sujets constituent le terreau qui va permettre au virus grippal de se répandre, de se reproduire, et de provoquer le décès des grippés les plus fragiles.
Ces sujets infectés pendant l’épidémie saisonnière rejoindront ensuite la population protégée pour une dizaine d’années, et ce sont d’autres sujets arrivés au terme de leur immunité antigrippale qui constitueront le réservoir de l’année suivante.

Ce qui change cette année, c’est que les mesures barrières, et notamment le port du masque, ont empêché la grippe de se répandre lors des deux hivers précédents :


(Source BEH - Sentinelles - 19/10/2022)

Comme vous pouvez le constater, l’épidémie 2020-2021 a été quasi inexistante, et l’épidémie 2021-2022 tardive et au total peu intense.

Cela signifie que les précédents réservoirs de sujets sensibles à la grippe n’ont pas été contaminés grâce aux mesures barrières, et restent donc "disponibles" pour l’épidémie 2022-2023. Or, l’usage du masque est devenu quasi-inexistant et la nécessité de ventiler les locaux toujours aussi mal comprise et non mise en oeuvre.

Ce phénomène collectif appelé lacune immunitaire [2] a été observé en Australie, pays dans lequel l’épidémie de grippe 2022 a été particulièrement intense. Quand je dis intense, je parle de la fréquence de la grippe et non de sa gravité.

source

Que faire ?

Ce risque important d’épidémie grippale particulièrement intense pousse à faire trois recommandations :
- Continuer à porter le masque en milieu fermé.
- Ventiler le plus possible les lieux fréquentés.
- Se vacciner contre la grippe, surtout pour les plus de 70 ans et les malades chroniques qui constituent la quasi-totalité des grippes conduisant à une hospitalisation et/ou un décès.


Source

Outre le bénéfice personnel d’échapper à la grippe, ces mesures simples et sans risque permettront de soulager les hôpitaux français au bord de l’asphyxie.

Bien que l’efficacité du vaccin contre la grippe soit mal connue et probablement faible, ce vaccin constitue à mon sens une carte à jouer en 2022 pour diminuer un risque important chez les sujets fragiles.

La seule bonne nouvelle (si je puis dire) c’est que beaucoup de sujets qui auraient pu mourir de la grippe sont décédés du COVID19 en 2020 et 2021 ! La mortalité de la grippe (très mal connue...) pourrait paradoxalement être plus faible que celle observée habituellement.


[1Il s’agit des mutations par glissement, au nom évocateur, à distinguer des mutations par réassortiment qui modifient drastiquement le virus et rendent brutalement inopérante l’immunité de la majorité de la population. Les mutations par réassortiment sont à l’origine des grandes pandémies grippales.

[2À ne pas confondre avec le phénomène controversé de dette immunitaire, qui serait lié à une moindre stimulation globale du système immunitaire par les mesures barrières

Il y a 13 messages sur ce forum.

Messages

  • Je croyais que vous étiez contre le vaccin anti grippe ?

  • Alors qu’aucune étude sérieuse n’a pu prouver une quelconque efficacité de la vaccination contre la grippe...
    https://www.cochranelibrary.com/cds...
    https://www.cochranelibrary.com/cds...
    https://www.cochranelibrary.com/cds...
    et une analyse du CIDRAP encore plus complète :
    https://www.cidrap.umn.edu/sites/de...

  • Bonsoir Dominique

    Je voudrais te faire des remarques :

    "Cela signifie que les précédents réservoirs de sujets sensibles à la grippe n’ont pas été contaminés grâce aux mesures barrières, et restent donc disponibles pour l’épidémie 2022-2023."
    Ne fais tu pas d’une corrélation, une causalité en affirmant l’efficacité des mesures barrière dont aucune étude n’a vraiment prouvé l’efficacité.?
    Je suis d’accord que ces mesures barrières sont du bon sens malgré l’absence de preuve et que les recommander est peut-être pertinent.
    Néanmoins, tu vas trop loin en affirmant qu’elles ont été responsables de la baisse de la grippe l’hiver précédent.

    "Bien que l’efficacité du vaccin contre la grippe soit mal connue et probablement faible, ce vaccin constitue à mon sens une carte à jouer en 2022 pour diminuer un risque important chez les sujets fragiles."
    Tu exprimes ton avis mais je te renvoie au commentaire de Pascal sur l’efficacité du vaccin antigrippal, surtout chez les personnes de plus de 70 ans.
    De plus, c’est un peu l’argument : nous n’avons aucune mesure efficace, alors autant utiliser "l’outil" que l’on a même si celui-ci est mauvais.

    Enfin, tu écris "Outre le bénéfice personnel d’échapper à la grippe, ces mesures simples et sans risque permettront de soulager les hôpitaux français au bord de l’asphyxie."
    N’est-ce pas encore un avis qui d’ailleurs reprend la doxa officielle en pointant "un bouc émissaire" que sont les agents infectieux pour inciter à la vaccination ?
    En effet, n’est-ce pas plutôt le délabrement du système hospitalier français qui est responsable de "l’asphyxie" de nos hôpitaux incapable aujourd’hui de faire face à la moindre épidémie saisonnière comme en témoigne aujourd’hui ce qui se passe avec la bronchiolite des enfants ?

  • Des vaccins et des hommes - ARTE
    https://www.youtube.com/watch?v=_Lnf1jlBJak
    J’ai trouvé très intéressant, j’espère qu’il en sera de même pour vous.

  • Comme pour le covid, mon opinion est que mieux vaut être en contact avec la grippe maintenant plutôt que plus tard où ce sera a priori plus grave tout simplement parce qu’on est plus vieux. D’ailleurs, pour le"rhume" en général, on constate que les moins malades sont les plus socialisés, donc a priori ceux qui sont le plus souvent en contact.

  • Bonjour Doc,

    faut-il continuer de se faire vacciner contre le Covid ?

    j’en ai assez, quand on sait que l’on continue de transmettre et que l’on continue de pouvoir le contracter. Le soi-disant effet atténuant la maladie est-ce vrai ? Il se dit que la fermeture des lits dans les hôpitaux est la vraie raison de tout ce patacaisse.

    mes meilleures salutations et bons souvenirs.

    Gabrielle Elise

  • Bonjour, je rejoins l’avis d’un médecin qui apporte un point de vue intéressant sur le fait que le cœur du problème réside dans les politiques de santé et le délabrement de nos hôpitaux ! Nos impôts doivent servir à valoriser ces professions, écouter le terrain, s’appuyer sur la médecine de ville et cesser le tout administratif !

  • Au vu des derniers bilans spf : le seul vrai souci, c’est que c’est majoritairement du H3N2 qui circule cette année. Les années à H3N2, même quand le vaccin "marche", c’est plus grave que d’habitude. Et ça arrive toutes les quelques années, sans qu’on sache pourquoi. Ce serait bien de dire quelquefois qu’on ne sait pas, tout simplement.

  • Pour être aussi informatif, juste et rigoureux que vous, docteur Dupagne, votre histoire n’est pas bien racontée (le fond reste, mais la forme est inexacte). Ce qui n’est pas bon, c’est la mise en scène du trappeur états-unien (plutôt que "américain", l’Amérique va du pôle Nord au Pôle Sud, avec environ 15 pays). Mais ce n’est pas là le principal.
    Scier du bois chez soi, ça veux dire qu’on est allé chercher ce bois dans la forêt...!! C’est par là que tout commence..!!
    La narration la plus juste, c’est d’abord de présenter un indien âgé, plein des savoirs de toute une vie, et s’il est âgé, il ne se balade pas incessamment comme un jeune désoeuvré. C’est l’indien âgé qui est assis immobile, sur le seuil de son tipee.
    Et ainsi, c’est le trappeur qui revient de la forêt, en trainant des troncs d’arbres avec un cheval (aucune carriole ne va dans une forêt sauvage, il n’y a aucun passage ni chemin), qui passe devant l’indien immobile. Et c’est le trappeur, qui connait bien moins la nature que le vieux sage indien, qui interroge et dit : "Vous qui connaissez bien la nature, est-ce qu’il va faire froid cet hiver ?"
    Alors l’indien prend son temps pour réfléchir, puis dit : "Hiver être rude".
    et le trappeur répond : "Ah, bien, merci."
    Arrivé à sa cabane, il coupe le bois (ce qui lui donne le temps de réfléchir assez longuement), et finit par se dire : "Bon, alors, l’indien m’a dit que l’hiver allait être rude, je vais aller encore chercher du bois dans la forêt."
    En revenant de la forêt avec ses troncs d’arbre, il repasse bien sûr devant le vieil indien, auquel il pose la question presque identique, sans doute pour se rassurer sur sa décision d’aller chercher plus de bois : "Alors, vous pensez que l’hiver va être rude, hein ?"
    L’indien prend son temps pour réfléchir, puis dit : "Hiver être très rude".
    Et le trappeur rentre à sa cabane, coupe son bois, se remémore la réponse du vieil indien et finit par décider d’aller couper encore un peu de bois pour être sûr de ne pas en manquer à la fin de l’hiver.
    Il revient de la forêt avec son cheval qui tire ses troncs, le vieil indien est devant son tipee, le trappeur l’interroge encore : "Dites moi, l’hiver va être très rude, alors ? "
    L’indien répond : "Hiver être très très rude" .
    Et le trappeur lui dit "Merci pour cet avis. Comment arrivez-vous à avoir toutes ces connaissances ?"
    Et l’indien répond : "Quand homme blanc aller chercher beaucoup bois dans forêt, hiver être très très rude "

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