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Corruption : ne pas la prévoir, c’est déjà gémir

La corruption n’est pas une perversion des êtres, c’est un retour au naturel

Première publication : dimanche 1er octobre 2017,
par Dominique Dupagne - Visites : 10817

La chute brutale du ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux et les lourdes charges qui pèsent sur François Fillon provoquent de nombreuses réactions effarées : comme des hommes politiques peuvent-ils être aussi malhonnêtes ! Pourtant, c’est l’absence de malhonnêteté qui devrait surprendre.

Le paléoanthropologue Pascal Picq explique depuis des années que l’on ne naît pas humain, mais qu’on le devient. À notre naissance, nous ne sommes que des hommes, c’est à dire des primates, certes particulièrement évolués et intelligents.

Comme nos cousins les grands singes grégaires, nous sommes "naturellement" manipulateurs, corrupteurs, corruptibles, et en quête des avantages du pouvoir. Ces comportements sont le fruit de l’évolution darwinienne car ils ont favorisé ceux qui les adoptaient. Ce qui fait de nous des humains est inscrit dans notre cerveau par l’éducation et la culture, qui ont développé chez l’homme du néolithique de nouveaux comportements sociaux encore plus favorables à l’extension et la survie du groupe qui les a adoptés.

Pour autant, ce vernis culturel est fragile. Les puissants déterminants génétiques qui nous habitent sont prêts à ressurgir à tout moment.

Le pouvoir ne rend pas fou, comme l’affirmait Lord Acton, il restaure simplement les instincts prédateurs inscrits dans notre ADN, surtout chez ceux qui y étaient prédisposés. Or ce sont justement ceux qui recherchent des postes de pouvoir, et qui les obtiennent. La coloration politique des élus ne joue aucun rôle dans ces comportements. Dans une émission passionnante sur l’affaire URBA, Fabrice Drouelle et Laurent Joffrin nous permettent de comprendre comment des hommes de gauche en quête de pouvoir ont facilement adopté les méthodes crapuleuses de ceux qu’ils combattaient. Nécessité fait loi.

La corruption, la prévarication et l’abus de biens publics ou sociaux, sont des comportements naturels censés être contrôlés par notre éducation. Nous disposons pourtant d’études sociologiques qui montrent que, contrairement à un préjugé répandu, la pratique du mensonge, de la triche, du vol et de la violence (routière) augmente avec la position sociale. Les riches se comportent plus mal que les pauvres !

La corruption n’est pas un phénomène anormal, bien au contraire. Elle s’inscrit dans une norme biologique plus ou moins contrôlée par la morale et l’éthique enseignée aux enfants (cette formation s’arrête généralement après le lycée, et l’exemple des adultes n’est pas brillant.).

Lutter contre la corruption des élus et des dépositaires de pouvoir nécessite donc une prise en compte de cette triste réalité sociobiologique : un élu est un individu à très haut risque. Il devrait exister un fichier des sujets à risque de corruption, avec des catégories, par exemple la lettre C pour ceux nécessitant juste une surveillance continue. Être fiché "C" ne serait donc pas infamant, mais le résultat d’une simple mesure de précaution pour tous les élus. Enfin, il faudrait créer dans les prisons des unités de décorruption pour ceux qui sont passés à l’acte et qui risquent de contaminer les autres détenus [1].

Seul un service policier spécifique et correctement doté en hommes et en moyens, voire un ministère spécifique, permettront de lutter efficacement contre la corruption. Contrairement à d’autres dépenses publiques, ce service serait susceptible de générer des économies supérieures à son coût de fonctionnement.

J’espère convaincre les candidats à la présidentielle d’ajouter cette mesure à leur programme.


[1Je ne pensais pas qu’il serait nécessaire de le préciser, mais il s’agit bien sûr d’une blague qui répond au ficher "S" de la lutte antiterroriste.

Il y a 13 messages sur ce forum.

Messages

  • C’est pas un peu manichéen comme point de vue ? Il existe des élus honnetes non ?

    • C’est une excellente question , l’optimiste que je pretends etre l’espere mais l’analyse rationnelle y met un gros bemol , peut etre s’agit il que de degres

    • Un grand principe qui a révélé sa valeur et sa véracité dit ceci :

      "Le pouvoir corrompt"

      Celui qui me dira le contraire n’est pas encore né.

      Le contre pouvoir est évidemment absolument nécessaire et surtout doit être complètement indépendant et dans la mesure du possible renouvelé par exemple tous les trois ans.
      Composé d’homme de loi, de la société civil etc...

  • On objectera que le singe n’est pas l’homme. On est malheureusement obligé de constater que le paléocéphale humain, celui de l’agressivité, est semblable à celui du singe, et que tout homme a dans son cerveau un grand anthropoïde qui sommeille. Il faut reconnaître avec regret que dans la vie journalière, ce sommeil est de courte durée et que c’est ce grand anthropoïde qui guide, sous le déguisement trompeur de mots et du discours logique, la majorité de nos actes et de nos comportements. Alors que le singe est singe, l’homme camoufle inconsciemment, car il ne s’en rend pas compte lui-même, le singe qu’il abrite dans son paléocéphale. On a dit souvent que l’homme était un loup pour l’homme. C’est être trop optimiste, car dans la meute, quand l’agressivité de deux mâles s’oppose en combat singulier, le vaincu renversé tend au vainqueur sa gorge où monte la carotide, et jamais le vainqueur ne la déchire de ses crocs. Emporté par ses jugements de valeur, son paléocéphale déchaîné par les mots, l’homme assassine sans remords et sans pitié.

    H. Laborit
    L’agressivité détournée

  • je cite "Comme nos cousins les grands singes grégaires, nous sommes manipulateurs, corrupteurs, corrompus et en quête du pouvoir et de ses attributs."

    A mon sens un seul attribut domine : le sexe du mâle dominant...

    Le monde masculin est tourné vers l’instabilité
    Etre le mâle dominant, c’est être sans arrêt en compétition pour le rester.... Tous les autres mâles n’ont qu’une idée : prendre cette place.
    Dans nos sociétés, même si cette compétition est écretée par les régles sociales (et légales), dans le cerveau primitif du mâle le phénomène perdure et est probablement à l’origine des nombreux conflits et surtout de la misogynie généralisée des structures étatiques, sociales et réligieuses.

    Quid des femmes ?
    http://www.esculape.com/textes/feminite.html

    Hugues

    • Bonjour Hugues
      C’est la thèse que j’avais développée dans La Revanche du Rameur. Mais ces comportements existent aussi chez les femmes, lire à ce sujet https://lectures.revues.org/19013

    • Il suffit de l’exemple bien connu de Madame Thatcher pour comprendre que le problème du pouvoir n’épargne pas les femmes.
      Pour résoudre ce problème il faut imaginer des institutions qui rendent impossibles ses abus de pouvoirs, admettre que nous sommes tous concernés par ces dérives . Il y a des gens qui travaillent sur ces sujets, je crois que la "constituantes citoyens islandais a trouvé des pistes, par exemple.

    • Certes, mais jusqu’à aujourd’hui, une femme qui ne saurait pas s’adapter à ou adopter les règles masculines n’aurait aucune chance d’accéder au pouvoir.

    • Une égalité des chances dans l’accession au pouvoir ?
      Je peux vous dire que la femme que je suis n’a aucune aspiration au pouvoir !

  • La "malhonnêteté", ou l’impunité ? Voire même les complicités... Ce mal ronge partout et pas seulement dans les "hautes sphères" politiques, mais en entreprise aussi. Seulement, du boulon ou du stylo à la valise de billets, n’oublions pas les avantages, comme par exemple les cadeaux sous forme de voyages, repas, hébergements gratuits, cartes d’essence, etc.
    Avant de jeter la pierre, observez-vous : êtes vous vraiment irréprochables vous-mêmes ?
    Il me semble très important que l’épuration se fasse, mais aussi par une certaine ouverture d’esprit qui nous concernera tous, de manière à ce que nous n’ayons plus à surcharger les bancs des salles d’examen ou encore les tribunaux.

    • Comme je l’explique, en tant que primates grégaires, nous sommes tous concernés, depuis la "petite" fraude fiscale à l’obtention d’une place dans une crèche par une relation personnelle.

      Certes, Michel Debré expliquait que son père déchirait un timbre lorsqu’il lui faisait porter une lettre à un voisin, pour ne pas léser le monopole des PTT...

      Mais les élus et les fonctionnaires dont les décisions sont lourdes de conséquences devraient être l’objet d’une attention particulière, constante, et de principe. Ils devraient également être convaincus du fait que tout acte assimilable à de la corruption stoppera rapidement (et non après 20 ans de procédures) leur carrière politique ou administrative.

  • Etes vous sûrs qu’on ne naît pas plutôt "homme" et le devient. Plutôt qu’humain.

  • Comme on l’a dit plus haut, il est curieux de voir que la corruption ne semble scandaliser que chez les politiques, alors qu’elle sévit évidemment dans tous les milieux ; mais pourquoi cette intolérance envers les seuls politiques ?

    Le discrédit général de ce qu’on nomme désormais la « classe politique » est un phénomène relativement récent, différent de l’antiparlementarisme classique aussi vieux que la République (« tous pourris ! ») et du rejet de « la gueuse ».

    De tous temps et dans tous les pays, des hommes politiques ont cédé à la tentation de se servir tout en servant, sans que cela nuise à l’image à juste titre très positive qu’ils ont laissée dans l’Histoire de grands serviteurs des intérêts du pays (Colbert, Talleyrand, etc.) : tout ce qui est rare étant cher, un bon Ministre est quelque chose qui n’a pas de prix, et les extras (souvent faramineux) qu’ils s’octroyaient étaient perçus comme des primes sans doute illégales, mais au fond bien méritées.

    Mais avec la mondialisation et la construction de l’Union Européenne, tout a changé : lorsque la loi du marché prend le pas sur les lois nationales, lorsque le fédéralisme se renforce au point de constituer ce qu’Hubert Védrine nomme fort justement « la société post-démocratique », lorsque la marge de manœuvre des politiques se trouve ainsi réduite comme peau de chagrin, leurs discours (comme ceux sur la nécessaire « moralisation du capitalisme » ) apparaissent comme totalement incapables d’embrayer sur une quelconque réalité ; et, du coup, les avantages matériels qu’ils se sont toujours octroyés dans le passé sont soudain ressentis comme immérités, et, de ce fait, inacceptables ; ces avantages désormais perçus comme indus, aussi minimes soient-ils, suscitent aujourd’hui l’indignation, à mesure que le sentiment de services rendus qui les excusait tend à disparaître.

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