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Les crapules et les ayatollahs
Première publication : samedi 5 février 2011,
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Le mot "ayatollah" est un repoussoir pratique car il autorise toutes les crapuleries. Il suffit de le brandir devant des occidentaux apeurés pour qu’ils ferment les yeux devant les activités douteuses de ceux qu’ils croient être des remparts contre leurs peurs ancestrales.
En Tunisie, le bon président Zine el-Abidine Ben Ali a pu piller son pays pendant 30 ans avec le soutien des principales démocraties occidentales. Comment ? Tout simplement en se présentant comme le rempart contre l’intégrisme religieux. Notamment les ayatollahs qui ont plongé l’Iran dans l’obscurantisme. Chaque fois que les droits de l’homme étaient bafoués ou que le racket organisé par son clan était trop visible, il lui suffisait de brandir la pancarte "Attention ! Ayatollahs en vue !" pour que les USA ou la France ravalent leurs critiques.
Ben Ali enfui, tout le monde feint de découvrir l’horreur de son régime. Nos diplomates poussent des cris de vierges effarouchées devant une situation "inimaginable", alors que certains y passaient leurs vacances. À quelles revues politique ces diplomates étaient-ils donc abonnés ?
La révolution iranienne a tellement traumatisé nos démocraties que l’on en vient à oublier son origine : une autre crapule, de la classe de Ben Ali, le Shah d’Iran. Il fut le jouet des grandes nations occidentales et un rempart présumé face aux religieux. On sait ce qu’il est advenu une fois le rempart démoli par le peuple iranien.
La peur des ayatollahs est ancrée à un tel point dans nos esprits (depuis les croisades ?) que nous en sommes arrivés à soutenir l’annulation des élections algériennes, gagnées par le FIS (donc des ayatollahs...). Pas mal pour une démocratie comme la nôtre...
Mohammed Hosni Moubarak est un autre triste sire qui dirige l’Egypte d’une main de fer depuis 30 ans. Comment a-t-il pu se maintenir si longtemps ? En se présentant lui aussi comme un rempart contre les "ayatollahs". Il a ainsi obtenu un fort soutien USA. Nul doute qu’après son départ, nos diplomates vont découvrir avec surprise "l’inimaginable" système Moubarak.
Mais quel rapport avec la santé ?
Jacques Servier a dirigé d’une main de fer un grand laboratoire pharmaceutique français pendant plus de 50 ans. Une dictature de fait avec tout ce que cela représente comme contrôle de l’information, police secrète, pressions diverses, menaces contre les lanceurs d’alertes, prévarication, influences à tous les niveaux du pouvoir. Après son départ, ce que l’on va découvrir va encore effrayer beaucoup de (fausses) vierges. Pourtant, tout cela était écrit depuis longtemps.
Or, ceux qui alertaient contre cette dictature de la médiocrité étaient eux aussi traités régulièrement d’ayatollahs.
Comme il était malvenant de critiquer ce brillant homme, fleuron de la pharmacie française, gloire de notre industrie. Ces ayatollahs qui menaçaient le Grand-Croix de la Légion d’Honneur et ami personnel du Président constituaient une menace pour la recherche, pour l’emploi, pour l’image de la France.
Voici quelques exemples tirés d’une recherche Google :
Recherche Google :
Philippe Foucras, Président du Formindep :
Discussion sur la charte du Forminep :
Article dans Slate
Désormais, la Revue Prescrire est portée au pinacle par ceux-là mêmes qui la critiquaient ou au mieux l’ignoraient superbement il y a quelque mois. Je trouve inquiétant que Xavier Bertrand ait pu être Ministre de la santé pendant plusieurs années sans avoir au moins feuilleté cette revue emblématique d’une certaine éthique et approche critique de la santé. Les résistants de la dernière heure sont nombreux depuis quelques semaines.
Mais je garde le meilleur pour la fin : les journalistes santé. Ou plutôt certains "informateurs médecins" qui trustent les micros et les écrans. Leurs liens avec l’industrie sont trop étroits pour qu’ils puissent obtenir une carte de presse, mais eux aussi emploient le repoussoir ayatollesque : c’est "eux ou le chaos" en matière d’information santé :
Me voici donc taxé "d’ayatollah de l’intégrisme" pour avoir dénoncé depuis plus de 10 ans (avec d’autres et notamment le Formindep et Prescrire) les diverses compromissions et corruptions qui ont tué notre système sanitaire. On notera chez Michel Cymès une "reprise" de la phrase de Guy Vallancien, pape des urologues et gourou des Ministres de la Santé.
Voyez-vous le rapport maintenant ?